Brown Bunny
The Brown Bunny
Vincent Gallo
Sélection Officielle
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Sifflé aux projections cannoises et échec public retentissant à sa sortie en salles, ce deuxième long métrage en tant que réalisateur de Vincent Gallo mérite une réhabilitation.
On a reproché au cinéaste d'étirer son récit en longueurs excessives, sans intrigue balisée pour charpenter le scénario. Ce procès d'intentions, déjà fait à L'Avventura en 1960, et que l'on réitère régulièrement (voir l'éreintement de Twentynine Palms en 2003) n'est pas en soi un argument. Le cinéma, ce n'est pas seulement une « bonne histoire à raconter » : c'est aussi un art de l'émotion ou de la contemplation qu'un artiste partage avec son public. Il est vrai que l'intrigue ne tient que sur un mouchoir de poche : Bud (Vincent Gallo), pilote de course de moto dans le New Hampshire, doit se rendre dans une compétition en Californie et prend la route avec une fourgonnette. Il prend en stop et largue des jeunes femmes paumées, rend visite aux parents de son ex, et finit par croiser Daisy, son ancienne amie qui avait disparu et qu'il retrouve dans une chambre d'hôtel. Elle est interprétée par Chloë Sevigny, la muse du cinéma indépendant américain. Dans les longues séquences de road movie, superbement photographiées, le désarroi du protagoniste sur les routes désertes ne laisse pas indifférent et la caméra de Gallo réussit à créer un effet d'hypnose, quand certains n'y voient qu'ennui.

On a surtout fustigé la personnalité de Gallo, taxé de narcissique, le cinéaste se filmant dans des poses langoureuses, déballant ses petits problèmes existentiels et sa belle anatomie avec un nombrilisme assumé. Si Vincent fait parfois un peu trop le beau devant la caméra, c'est oublier qu'il a assuré entièrement le projet (production, interprétation, scénario, montage, photo, son, décors, costumes, réalisation) quand d'autres ne sont que les exécutants besogneux d'une commande. Déjà, dans Buffalo'66 (1998), son premier film, le cinéaste manifestait un ego de façon péremptoire, mais il est vrai que l'humour décalé de cette fiction rendait davantage sympathique l'autoportrait. Ici, la palette est plus sombre mais la sévérité avec les deuxièmes œuvres, attendues au tournant, est connue...
Quant à la scène qui créa un véritable tollé (une fellation filmée en plan-séquence), elle fut commentée à la lumière des deux griefs principaux (non narration et égocentrisme). Sans doute contribua-t-elle aux quolibets d'usage et au mauvais accueil que ne méritait pas cette œuvre attachante.
Il serait dommage que Vincent Gallo, par ailleurs comédien de talent pour d'autres artistes (Arizona Dream) renonce à d'autres projets derrière la caméra.

Gérard Crespo


2h00 - Etats-Unis - Scénario, dialogues, images, décors, montage : Vincent Gallo - Musique : Ted Curson, Jeff Alexander, Gordon Lightfoot, Jackson C Frank - Interprétation : Vincent Gallo, Chloé Sévigny.

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