Ladykillers
The Ladykillers

Joel Coen et Ethan Coen
Sélection officielle
Prix du Jury pour Iram P. Hall

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Art scénique et vieilles ficelles

Un film de commande peut-il rester un film d'auteur ? C'est la question que l'on pouvait se poser avant la projection du onzième film des frères Coen. Tueurs de dames (dont Ladykillers reprend la trame principale), réalisé en 1955 par Alexander Mackendrick, avec Alec Guiness et Peter Sellers, était familier aux cinéastes dès leur premier film. C'est en effet dans Sang pour sang que le détective lance au propriétaire de bar sur qui il tire : « Qui a l'air stupide maintenant ?… », réplique millésimée de Tueur de dames, quand le gangster appuie sur la détente d'une arme vide.
En s'assurant une belle affiche avec Tom Hanks qui revient à la comédie après dix ans de succès dans des films plus graves, Joel et Ethan revisitent à leur façon une comédie de genre dont ils lustrent les effets grâce à une mise en scène brillante.
Le professeur Goldthwait Higginson Dorr débarque chez Mrs. Munson, veuve tranquille et fervente de l'Eglise baptiste, en se faisant passer pour un spécialiste de musique baroque. La vieille dame va accepter de louer sa cave pour les répétitions sur des instruments aussi mystérieux et insolites que leurs interprètes… Car il ne s'agit pas de grosse caisse mais de grand casse, le sous-sol de la maison communiquant avec le coffre du Casino voisin.

Evidemment, l'entreprise va tourner au vinaigre, non seulement à cause de Mrs Munson, moins inoffensive qu'à l'apparence, mais surtout à l'équipe d'“experts“ branquignols que dirige le “cerveau“ décalé de l'affaire. La galerie loufoque de bras cassés semble sortir d'un casting improbable pour braquage du siècle. Dorr, amoureux des mots et de la logique théorique… aurait mieux fait de ne pas passer à la pratique. Il aura du mal à diriger Macsam, élevé au hip-hop et aux jurons, Pancake le touche-à-tout qui ne maîtrise rien, le Général Win Phn Duc qui ne semble pas pouvoir parler en même temps qu'il fume son mégot… qu'il a toujours à la bouche, Lump enfin, le gros bras sans cerveau mais au grand cœur.
Si l'on s'attend assez facilement à l'autodestruction de cette fine équipe, au fil d'un scénario plutôt sans surprise, la patte des frères Coen laisse son empreinte d'auteurs dans le rythme narratif et la plastique des cadres. Le réglage des scènes entre la cave et le salon de Mrs Munson est un exemple du genre et les magnifiques scènes d'ouverture et de clôture en épanadiplose troublent autant qu'elles amusent. La transposition de l'action de Ladykillers dans le Sud des Etats-Unis permet par ailleurs à Carter Burwell, compositeur attitré des réalisateurs, d'offrir une partition musicale alliant le gospel classique des années 30 au moderne hip-hop de Nappy Roots.

Jean Gouny


1h43 - Etats-Unis - Scénario, dialogue :Joel Coen, Ethan Coen - Photo : Roger Deakins - Décors : Dennis Gassner - Montage : Roderick Jaynes - Musique : Carter Burwell - Interprétation : Tom Hanks, Iram P. Hall, Marlon Wayans, J.K. Simmons, Tzi Ma, Ryan Hurst.

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