Changement d'adresse
Chang of Address
Emmanuel Mouret
Quinzaine des réalisateurs

très content

changement d'adresse

Comment décrire l’expression d’Emmanuel Mouret, qu’il cultive particulièrement – et il aurait tort de ne pas le faire – dans Changement d’adresse : ce qui se lit sur son visage, avant que cela ne s’exprime dans les faits, le mot action étant résolument trop fort, et qui fait le bonheur de son jeu s’apparente à l’éternelle surprise, la maladresse, une sorte d’hébétude intelligente, bref quelque chose de naturel et d’unique.
Sorte de Buster Keaton des temps modernes, le voici ici héros, et réalisateur, d’une vraie comédie sentimentale parée de tous les atours du genre, dont il partage les tribulations avec une affiche hors pair.
Et dans ce film partage il y a, ne serait-ce que du lieu de vie. Nécessité faisant mode, l’ère de la coloc’ s’est ouverte avec ce XXIe siècle, compromis s’adressant le plus souvent aux jeunes.
Mais même si David n’est plus si jeune que ça, il est corniste de son état et partant soumis à un budget lié aux aléas des leçons particulières : pour Anne, sa coloc’, être corniste s’apparente carrément au surréalisme, mais elle ne demande qu’à apprendre. Anne, c’est la blonde supposée idiote (géniale Frédérique Bel de La Minute blonde du Grand journal de Canal +).

Tous les deux vont tomber raides amoureux, elle d’un certain Gabriel, qu’elle tient pour l’ange de sa vie depuis qu’il est venu faire une photocopie dans sa boutique, lui de Julia à qui il donne des cours de cor, à la demande insistante de la mère désespérant de voir un jour sa trop sérieuse fille sortir le nez de ses bouquins et désirant la voir vivre comme le font celles de son âge. On salue ici la partition d’Ariane Ascaride, une femme en pleine forme comme bien des mères de famille qui ont crevé les écrans de ce Festival. Julia (Fanny Valette) ne semble pas plus sensible que ça aux charmes du cor non plus qu’à ceux de David, mais peu importe, lui y croit. Puis il n’y croit plus… Car, sans aucun répit, chaque personnage joue de son ambivalence, avançant pour mieux reculer, stratégie imparable pour créer l’attente chez le spectateur. Chacun garde aussi une sorte d’élégance innée, bannissant la rancœur et préférant jouer intelligemment sur ses maux et sur les mots dans un univers léger, frais, mélancolique et plein d’humour.
Après Laissons Lucie faire et Vénus et Fleur, Emmanuel Mouret, au travers des références indéniables à Rohmer et Truffaut, trouve sa vraie voie, celle des sentiments.

Marie-Jo Astic


1h25 – France - Scénario : Emmanuel Mouret - Image : Laurent Desnet - Son : Maxime Cavaudan, Ludovic Escalier - Décors : David Faivre - Montage : Martial Salomon - Musique : Franck Sforza - Interprètes : Frédérique Bel, Fanny Valette, Dany Brillant, Emmanuel Mouret et avec la participation amicale d’Ariane Ascaride.

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