Flandres
Bruno Dumont
Sélection officielle
Grand prix


très content


Flandres est bien dans la continuité de La Vie de Jésus, L’Humanité et Twentynine Palms. Au deux premiers films, il  emprunte ses paysages tant stylisés que naturels du nord de la France ; au second, sa violence d’abord contenue puis saisissante et dérangeante, ainsi  que le malaise progressif qui saisit pendant la projection. Résumer le scénario ne donnerait qu’une vision partielle de l’œuvre, tant le film est d’abord basé sur la maîtrise de la mise en scène et un style désormais unique. En schématisant, on peut distinguer deux parties. Les 50 premières minutes se déroulent dans une ferme : Demester partage sa vie entre son travail, ses amis et Barbe, une jeune fille qui se donne à tous les hommes du village. La deuxième partie nous transporte essentiellement dans une région inconnue. Incorporé avec ses amis dans une guerre moderne, il se retrouve dans un conflit non identifié : Irak ou Afghanistan contemporains ou encore Algérie d’hier ? Seule la langue arabe donne une vague indication. Unique rescapé d’une boucherie, Demester regagne sa région et peut-être l’amour de Barbe.
Concentré en 1h20 (probablement une contrainte des producteurs au départ), Flandres gagne en épure et ne frappe que davantage. On a beaucoup comparé le cinéma de Dumont à celui de Robert Bresson :


jeu minimal d’acteurs non professionnels transformés en modèles à la diction atone, usage minimaliste des ornements de cinéma (musique, décors), scénario métaphorique.
Les rieurs sont d’ailleurs les mêmes qui naguère raillaient Mouchette ou L’Argent. La représentation crue de la violence, loin de la magnifier ou de l’esthétiser, la rend encore plus absurde et inacceptable, ce qui était déjà le propos de Michael Haneke dans Funny Games.
Le cinéaste a précisé à la conférence de presse : « Ce qui m'importe, c'est le fait de décrire une histoire avec des images et des sons. Le travail du réalisateur est proche de celui du peintre. Matisse écrivait que ce qui est important dans une toile ce n'est pas le sujet, c'est la disposition des choses autour du sujet, c'est la proportion des choses. » Cet assemblage est net sur l’écran mais la référence picturale (certains ont aussi perçu l’influence de Géricault) ne doit cependant pas écraser une œuvre qui a sa propre cohérence.
En marge des modes et des consensus, le cinéma de Dumont est bien au cœur du 7e art et il faudra désormais compter sur ses images convulsives et sa démarche sans concessions.

Gérard Crespo


1h31 - France - Scénario, dialogues : Bruno Dumont - Photo : Yves Cape - Son : Philippe Lecœur - Montage : Guy Lecorne - Interprétation : Adelaide Leroux, Samuel Boidin.

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