Volver
Pedro Almodóvar
Sélection officielle
Prix d'interprétation féminine pour l'ensemble des actrices
Prix du scénario

content



Volver s’inscrit dans la continuité de l’œuvre d'Almodóvar tout en renouvelant son inspiration par une (fausse) trame fantastique. On y retrouve certaines de ses actrices fétiches : Carmen Maura, l’égérie des années 80, interprète ici le fantôme d’Irene, qui s’incruste dans la vie de ses deux filles. Celles-ci, Raimunda et Sole, sont interprétées respectivement par Penélope Cruz, étonnante dans un rôle de femme du peuple, et Lola Dueñas, la junkie de Todo sobre mi madre. Blanca Portillo est Augustina, une amie d’enfance fière de la mémoire de sa maman, unique hippie d’un village perdu de la Mancha. Chus Lampreave, spécialiste des rôles de mère rigolote, est la vieille tante qui semble, en apparence, ne plus avoir toute sa tête. La fille de Raimunda est une adolescente (Yohana Cobo) qui poignardera son beau-père un peu trop entreprenant. Ne manquent à l’appel que Marisa Paredes ou Victoria Abril et nous aurions eu huit femmes comparables au casting de Ozon, mais seul l’amour des comédiennes aurait justifié le parallèle.
Car Volver est bien dans la lignée des “films de femmes” du réalisateur : on décèle les rapports ambivalents mère/fille teintés d’humour et d’émotion de Tacones lejanos, la folie de Pepi, Luci, Bom y otras chicas del montón, œuvre de la période “trash”, la solitude des femmes mures déjà montrée dans La Flor de mi secreto, ou bien encore l’agitation de Mujeres al borde de un ataque de nervios. Le cinéaste prend ici le contre-pied de sa précédente réalisation, La Mala educacion, film d’hommes en forme de pastiche de son œuvre, et assume la linéarité d’un scénario tant limpide qu’élaboré.

Comme toujours chez Almodóvar, une trame policière (axée ici autour des tentatives pour se débarrasser d’un congélateur encombrant) et un mystère à élucider (la disparition d’une femme infidèle) servent de catalyseur pour révéler les sentiments des personnages. Le thème de la résurrection, déjà en filigrane dans Hable con ella, permet des séquences combinant avec bonheur magie et humour noir, et la parenté avec Woody Allen voire Bergman n’est pas loin dans les « apparitions » de Carmen Maura. Gageons que certaines scènes de Volver resteront dans les annales : le nettoyage énergique des tombes dans l’ouverture, l’expédition en camion pour un enterrement très spécial, le shampoing effectué par une mystérieuse russe ou bien encore l’annonce d’un cancer sous les applaudissements d’un public de la télé-réalité. Mais le moment le plus intense est sans aucun doute la dernière séquence où Irene propose à Augustina un inévitable pacte.
Almodóvar a déclaré à propos de ses personnages de femmes : “Ce sont des monstres que je crée ! Des créatures de Frankenstein qui se composent de […] ce que je vois dans la rue [et] ces femmes sont aussi faites de choses qui viennent des hommes, et d’abord de moi.” Ce dosage de références autobiographiques et de recréation artistique n’est pas le moindre intérêt de Volver.

Gérard Crespo


2h01 - Espagne - Scénario, dialogues : Pedro Almodóvar - Photo : José Luis Alcaine - Décors : Salvador Parra - Musique : Alberto Iglesias - Montage : José Salcedo - Son : Miguel Rejas - Interprétation : Pénélope Cruz, Carmen Maura, Lola Dueñas, Blanca Portillo, Yohana Cobo, Chus Lampreave.

ACCUEIL

RETOUR A LA LISTE DES FILMS