Le Scaphandre et le papillon
The Diving Bell and the Butterfly
de Julian Schnabel
Sélection officielle
Prix de la mise en scène
Pris de la Commission supérieure technique

palme


En décembre 1995, Jean-Dominique Bauby, rédacteur en chef d'un grand magazine, séducteur, quarante-deux ans, se réveille à l'hôpital maritime de Berck-sur-Mer après trois semaines de coma où l'a plongé un accident vasculaire cérébral. Il est atteint du locked-in syndrom, une rareté médicale le laissant entièrement paralysé, à l'exception d'une paupière.
« ça va aller M. Bauby » « On va bien s'occuper de vous » : Jeando, appelons-le par son petit nom à l'instar du docteur Lepage – génial Patrick Chesnais –, a beau avoir l'impression de parler, il comprend vite que personne ne l'entend, qu'il est prisonnier d'un sarcophage, qu'on s'occupe de lui comme d'un nouveau-né, qu'il est à la merci de toutes les mains, comme celles qui, malgré ses protestations muettes, lui cousent la paupière de son œil mort.
Dans cette phase de passivité totale, c'est son autre œil, seul organe valide, qui devient celui de la caméra et tente de recadrer les images désordonnées qui lui arrivent, de traduire et faire le tri des messages pour le moins alarmistes qui lui parviennent.
Puisque le cerveau fonctionne parfaitement, Jeando doit tout réapprendre, à manger, mais aussi à communiquer. C'est à Henriette (Marie-José Croze, remarquable), orthophoniste, qu'échoit cette mission, dont elle fera un réel sacerdoce. Pour les questions fermées, la règle est simple : un clignement de paupière pour “oui”, deux pour “non”.
E – S – A – R – I – N – T - U… : pour rendre à Jeando un substitut de parole, elle égrène les lettres de l'alphabet, classées selon leur fréquence d'utilisation et s'arrête au clignement : lettre à lettre, un mot, des mots, des phrases prennent sens. « Je veux mourir » cligne Jeando, « naufragé échoué sur les rives de la solitude»…


Peu à peu, révolte, résignation et désespoir vont cependant concéder une infime place à la chance que lui procure son cerveau intact, celle d'accéder à l'imaginaire et à la mémoire, mais aussi de se raccrocher à l'humain. Du monologue intérieur stérile, le deuxième volet du film déplace la caméra, qui, de l'extérieur, va mettre en scène la résurrection de Jeando. C'est en effet cet état extrême qui va finalement le renseigner sur sa nature profonde, lui révéler la vanité d'une vie, mosaïque et succession de petits échecs, au cours de laquelle il est passé à côté de l'essentiel, de l'amour authentique de sa femme, de ses enfants. Une renaissance dont l'écriture de son livre, Le Scaphandre et le papillon, sera l'un des prolongements. Ce film en est un autre, car, si Jean-Dominique Bauby est mort quelques jours après la sortie du best-seller, son dernier vœu a été qu'il soit adapté pour le cinéma.
C'est ce testament, cette approche différente de la mort, que livre aujourd'hui Julian Schnabel, utilisant à merveille son talent de peintre pour rendre les flous, les ombres et lumières, les flashes, les chocs que restitue l'œil de Jeando. Sans pathos, tant il est inutile de rajouter à la charge naturellement très émotionnelle, et avec cet humour indéfectiblement associé aux situations de gags, aussi tragiques soient-ils.
L'interprétation de Mathieu Amalric est parfaite jusqu'au bout des cils.

Marie-Jo Astic

 


1h52 - USA - Scénario et dialogues : Ronald Harwood - Photo : Janusz Kaminski - Décors : Laurent Ott - Musique : Paul Cantenon - Montage : Juliette Welfling - Son : Jean-Paul Mugel - Interprétation : Mathieu Amalric, Emmanuelle Seigner, Marie-Josée Croze, Anne Consigny, Patrick Chesnais, Niels Arestrup, Olatz Lopez Garmendia .

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