Biutiful
de Alejandro Gonzales Inarritu
Sélection officielle
Prix d'interprétation masculine (Javier Bardem)

palme

Sortie en salle : 25 août 2010




« On ne doit pas faire confiance à un homme qui a faim »

Uxbal se souvient : alors que la mer roule ses vagues, son père lui montre ce hibou qui en mourant rejette une boule de plumes. C’est ce rendez-vous avec la mort, thème de prédilection d’Iñarritu, qui hante Biutiful et son anti-héros, Uxbal, travailleur de l’ombre dans une Barcelone bruyante, glauque et souterraine.

Avant que n’arrive la fatale échéance assez tôt annoncée, le réalisateur développe un scénario haletant, qui accompagne Uxbal dans son épuisante course d’obstacles pour que ceux qui resteront après lui échappent au chaos permanent qui lui tient lieu de survie. Cancer très avancé, ex-femme alcoolique, incontrôlable, bruyante et intarissable, deux enfants à charge, trafics en tout genre et activités « professionnelles » parallèles oscillant entre contrefaçon, exploitation (et assassinat accidentel) de travailleurs clandestins ou encore transmissions monnayées post mortem de dernières paroles à des familles crédules, c’est bien sûr dans le même sens que Life is sweet qu’il faut prendre le titre, Uxbal allant jusqu’à vendre la « niche » mortuaire de ses parents : « N’en jetez plus » diront certains, estimant que côté affect et pathos la cour est largement pleine, ou plutôt que, dans le cas présent, les cafards ont tendance à un peu trop proliférer au plafond du taudis.

Sauf qu’Iñarritu, revendiquant son hispanisme, assume parfaitement son style chargé, excessif, grandiloquent, voire maniéré et pompeux, et confère une ampleur singulière à ce concentré de misère, de promiscuité, de déchéance. Et c’est cette même empreinte qui offre à Javier Bardem l’opportunité d’une composition d’ordure au grand cœur qui ne pouvait laisser le jury de ce 63e Festival insensible. Entre Africains jetés dans la rue à la merci des descentes de police et Chinois enterrés dans les ateliers, la plongée en enfer d’Uxbal agit comme un véritable choc et dégage une puissance émotionnelle qui, dépassant le misérabilisme et le dolorisme, donne toute sa force à l’aspect à la fois sordide et pathétique du personnage.

Marie-Jo Astic


2h18 - Espagne, Mexique - Scénario : Armando BO - Interprétation : Javier BARDEM, Ruben OCHANDIANO, Blanca PORTILLO, Eduard FERNANDEZ, Maricel ALVAREZ.

ACCUEIL

RETOUR A LA LISTE DES FILMS