La Princesse de Montpensier
de Bertrand Tavernier
Sélection officielle


Sortie en salle : 03 novembre 2010





« Soumettez-vous ! »

Trente cinq ans après le flamboyant Que la ête commence, La Princesse de Montpensier, et partant la nouvelle éponyme de Mme de Lafayette, donne l’occasion à Bertrand Tavernier de renouer avec la grande fresque historique pour nous plonger dans la barbarie des guerres de religion entre papistes et huguenots, lors du premier des huit conflits qui ont ensanglanté toute la seconde moitié du XVIe siècle, mais surtout dans la violence à laquelle est confrontée la passion amoureuse, telle que la dépeignit Montherlant dans La Reine morte, telle qu’elle sévit encore de nos jours.

Ce sont les propres mots de l’auteure que la marquise de Mézières reprend à son compte pour mettre en garde Marie sur les périls de l’amour – « L’amour est la chose la plus incommode du monde, et je remercie le ciel de nous en avoir préservés, mon mari et moi. » – alors qu’elle donne à sa fille l’injonction sans appel de se soumettre aux volontés de son père et d’épouser Philippe de Montpensier, malgré sa forte inclination pour Henri de Guise, que l’on sait constante depuis l’enfance à la faveur du flash-back d’ouverture situé à l’automne 1547.

Quinze années plus tard, en 1562, tandis que la France de Charles IX sombre dans la guerre civile entre catholiques et protestants, Marie fraîchement sortie du couvent est âprement sommée de faire taire son cœur et mise dans la couche de Montpensier – « épousez Montpensier, c’est une brute comme une autre ! » – lequel, avant de partir à la bataille, la met à l’abri au château de Champigny, sous la protection du comte de Chabannes, homme d’armes repenti (et déserteur), écœuré des monstruosités guerrières (la scène du massacre, annonciatrice de bien d’autres tueries dont l’apothéose que fut dix années plus tard la Saint-Barthélemy, se situe sans doute à Wassy). Auprès de l’humaniste, Marie va parfaire son éducation, préparer son entrée à la Cour, s’ouvrir sur le monde… et apprendre à dompter ses sentiments.

« Que songes-tu, mon âme emprisonnée ? » lui chuchote du Bellay à l’oreille, alors qu’elle cristallise autour d’elle l’inconstance de son aimé Henri de Guise alias « le balafré », la jalousie de se son époux Philippe, les avances du duc d’Anjou Frère du roi, l’amour secret de son précepteur. Au fil de ces passions rivales dont elle est le cœur, Marie va se métamorphoser sans jamais soumettre son âme à la compromission.

Au crédit de Bertrand Tavernier, qui débarrasse l’histoire de ses fioritures et ses personnages de certains clichés, on compte une visible admiration pour la prestance de ses acteurs qui ne sont jamais doublés, le parti pris délibéré et salutaire de filmer « à l’ancienne » et en décors naturel, la réussite d’une épopée intemporelle, mouvante et dynamique, plutôt que d’une reconstitution historique figée, l’exemplarité des scènes de corps à corps et de chevaux magnifiés tournées caméra à l’épaule, la verve et le respect du langage, dont on se délecte à l’aune de la merveilleuse lettre finale de Chabannes à Marie.

Thriller amoureux, œuvre lyrique, élégante et romanesque servie par la superbe musique d’Alain Sarde, La Princesse est un film qui tient remarquablement son ambitieuse promesse de restituer l’âme d’une époque, que l’on découvre rude même pour les grands du royaume, et gratifie le spectateur de quelques inoubliables morceaux de bravoure.

Il n’en fallut pas plus pour que beaucoup confondent classicisme et académisme – et pourquoi pas Marie de Mézières et Marguerite de Valois – et mette Tavernier au ban d’un palmarès auquel il méritait incontestablement de figurer.

L’ami français s’est même offert le luxe de poser avec quatre siècles d’avance le débat entre presse payante et presse gratuite. Il permet également aux petits maladroits qui auraient zappé La Princesse de Clèves de rattraper sur le fil leur Mme de Lafayette avec celle de Montpensier.

Marie-Jo Astic


2h15 - France - Scénario : Bertrand TAVERNIER, François-Olivier ROUSSEAU, Jean COSMOS, d'après le roman de Madame de La Fayette - Interprétation : Mélanie THIERRY, Gaspard ULLIEL, Grégoire LEPRINCE-RINGUET, Raphaël PERSONNAZ, Lambert WILSON.

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