The Artist
de Michel Hazanavicius
Sélection officielle
En compétition
Prix d'interprétation masculine : Jean Dujardin



Sortie en salle : 12 octobre 2011




« Speak! »

Sorte d’ovni en terre de Festival, mélo comme on n’en fait plus, The Artist révèle en Michel Hazanavicius un grand magicien du cinématographe. Format 4/3, générique à l’ancienne, orchestre dans la salle, cartons-intertitres, nous opérons un grand pas en arrière de près de 85 ans, reconstitution historique en tous points parfaite, jusque dans le moindre détail.

En 1927, le cinéma muet est à son apogée avec les Fantomas de Feuillade mais aussi George Valentin, bellâtre gominé à la fille moustache, qui triomphe dans A Russian Affair, dont, cabotin en diable, il s’applique à ne pas partager le succès avec sa partenaire blonde platine.

Parce que celle-ci fait furieusement penser à la Lina Lemont de Chantons sous la pluie, nous entrons de plain-pied dans la thématique du muet/parlant. Parce que la belle pratique à l’encontre de la star masculine des gestes pour le moins incongrus à cette époque – un doigt ! –, nous savons que les gags décalés n’ont pas fini de faire mouche. De Russian en German Affair, Valentin fait débuter la jeune « danseuse » Peppy Miller, que l’air du temps guide vers le Kinograph Studio, où le cinéma parlant opère ses premiers balbutiements.

Alors qu’en 1929, le succès des tests confirme l’inéluctable changement qui va arriver, la débutante Peppy est d’ores et déjà sur les rails, alors le grand Valentin, incapable de faire taire son orgueil, refuse en revanche viscéralement d’articuler le moindre mot devant un micro. Pourtant « le public [qui] n’a jamais tort », sent souffler un « vent nouveau », veut de la « chair fraîche ». Bravant toutes les évidences, lâché par la profession à bout d’arguments (« Il faut qu’on parle George » - « Pourquoi refuses-tu de parler ? »), il s’improvise scénariste et producteur, et, courant à sa perte, s’enlise dans son erreur, comme il le fait dans Tears of love pour lequel il se ruine. Mais, sur son Boulevard du Crépuscule, un ange veille : Peppy, devenue la reine du parlant, efficacement secondée par un génial toutou, toujours à l’écoute de la voix de son maître.

Hazanavicius exploite à merveille cette extraordinaire mine de gags visuels, astuces verbales et pirouettes techniques, mais aussi de très belles performances artistiques. Aux côtés de la pimpante, gracieuse et impeccable Bérénice Béjo, Jean Dujardin est bluffant d’un incroyable mélange de naturel et d’affèterie : du rire aux larmes, un seul de ses sourires, la plus simple de ses mimiques en disent plus long qu’un grand discours.

N’étaient les regrets éprouvés à l’attention d’André Wilms (Le Havre), son interprétation mérite bien la suprême récompense dévolue à l’artiste.

Marie-Jo Astic



1h40 - France - Scénario : Michel HAZANAVICIUS - Interprétation : Jean DUJARDIN, Bérénice BEJO, John GOODMAN, James CROMWELL, Penelope Ann MILLER.

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