Broken
de Rufus Norris
Semaine internationale de la critique
Séance spéciale (Ouverture)


Sortie en salle : 22 août 2012




« Un monde tout moche, un film too much… »

Dans une Angleterre en crise, la jeune Skunk va quitter le monde de l’enfance, plein de courtes certitudes rassurantes, pour affronter l’hostilité d’un univers qui lui apparaît d’un seul coup étranger et inconnu… Pitch à la fois fourre-tout et prometteur !
Rufus Norris est un homme de théâtre et dans son premier long métrage de cinéma, ça se voit d’emblée !
Le décor : trois maisons, trois foyers, trois situations bien caricaturales… le premier logis abrite un homme veuf et beauf, aussi stupide que violent. Il élève (façon de parler !) ses trois pétasses de filles (le mot ici est employé par euphémisme) avec un amour inconditionnel proportionnel à son incapacité à jouer son rôle de père. Si l’amour est bien présent, il l’est dans un chaos lié à l’absence du pilier maternel.

Dans la villa jouxtant la première, si le père est bien là, il est absent devant une mère qui voue à son fils un amour protecteur étouffant. Il faut dire que Rick est un jeune adulte que le handicap mental a transformé en proie facile pour les railleries aussi moqueuses que cruelles des délicates adolescentes voisines.

La troisième maison abrite celle qui est censée être la pièce centrale de Broken, Skunk, une petite fille attachante et vive, curieuse et empathique qui profite avec Rick d’une amitié muette mais rassurante. Le père (Tim Roth un peu transparent…) est un avocat éconduit par son épouse mais en passe de recomposition.


Comme au théâtre, les portes vont s’ouvrir, se fermer, claquer comme autant de ponctuations narratives, dès que ce petit monde va imploser. Le détonateur, hautement dramatique et décidément d’actualité dans ce Festival (The Hunt de Thomas Vinterberg), sera l’accusation mensongère par une des trois grâces (garces ?) se retrouvant enceinte, d’un viol attribué à Rick…

Là où le film de Vinterberg resserrait son propos et toute sa dramaturgie autour de son sujet, Norris va accumuler les procédés scénaristiques (trop nombreux justement pour être cités ici !) et artifices formels (ralentis, musiques, surcadrages…).

Comme beaucoup de premiers films, Broken a le défaut de ses qualités : foisonnant, il finit par être indigeste ; à explorer tant de directions, il finit par ne plus savoir où il va ; à vouloir suivre de si près autant de personnages, il oublie de prendre du recul, d’éloigner un peu sa caméra… sans doute y avait-il dans le roman qu’il a adapté, matière à plusieurs films.

Paradoxalement, Rufus Norris veut décrire un monde « out of control» et il le fait dans une œuvre « total control » qui manque d’aspérités. L’émotion arrive néanmoins à se maintenir en des moments forts, en grande partie grâce à l’interprétation assez extraordinaire d’Éloïse Laurence dans le rôle de la jeune fille et au jeu sensible et frêle du décidément très bon Cillian Murphy.

Jean Gouny




1h30 - Grande-Bretagne - Scénario : Mark O'ROWE, d'après le roman de Daniel Clay - Interprétation : Cillian MURPHY, Tim ROTH, Rory KINNEAR.

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