Roman Polanski : A film memoir
de Laurent Bouzereau
Sélection officielle
Hors compétition - Séance spéciale







Ils sont venus chercher ma sœur, elle n’était pas là, ils ont pris ma mère

La boucle s’ouvre puis se referme sur l’affaire Samantha Geimer (ex-Gailey), qui en 2008 avait déjà été présentée au Festival par le biais du documentaire de Marina Zenovich, Roman Polanski: wanted and desired : « En France il est désiré et en Amérique il est recherché. » C’est le même Andrew Braunsberg, auteur de ces propos, qui mène l’entretien de 2009 de Roman Polanski: a film memoir, pour lequel il a rejoint son ami réalisateur assigné à résidence à Gstaad, sous mandat d’arrêt américain depuis 1977, libérant ainsi la parole de l’homme lui-même privé de liberté.

Sans ostentation, l’humour pimente le commentaire que fait Polanski du Festival du film de Zurich le qualifiant d’« excitant » et de « surprenant ». C’est le moins que l’on puisse dire puisqu’il en est sorti les menottes aux poignets.

Braunsberg reprend ensuite le fil chronologique et remonte à 1939, année où Roman a 6 ans et où son père, Ryszard Liebling, Juif polonais, a la mauvaise idée de quitter Paris pour Cracovie, puis une nouvelle fois, à la veille de la guerre, de rejoindre Varsovie, pensant que sa famille y serait mieux protégée. Varsovie entièrement détruite, ils repartent illico pour Cracovie, sont repoussés de l’autre côté de la Vistule dans le quartier de Podgórze, un mur est construit qui installe le ghetto. « Juifs… je ne saisissais pas. » jusqu’aux rafles et aux déportation, de son père qu’il retrouvera lors de son retour de Mauthausen, de sa mère, de sa sœur, enceinte, de son grand ami Pawel qui n’en reviendront pas.

Alors que les images font référence et au Pianiste et à Oliver Twist, c’est la mémoire et l’émotion à vif que Roman raconte comment, sous-titres obligent, il a en ces temps-là appris à lire au cinéma. S’il lui était donné de ne garder qu’un seul de ses films, ce serait Le Pianiste, son film de survie.

Après l’évocation des débuts au cinéma, la révélation du Couteau dans l’eau, la consécration avec Rosemary’s Baby, l’assassinat de Sharon Tate en 1969 donne déjà l’occasion à la presse d’atteindre des sommets pour sacrifier à la dictature du scoop, suggérant une complicité malsaine. Sharon était enceinte de huit mois et malgré lui Roman y voit un douloureux bégaiement de l’histoire.

Moins de dix ans plus tard, l’affaire Samantha donne aux médias toutes les raisons de se déchaîner à nouveau. Polanski plaide coupable, incarcéré à Chino pour quarante-deux jours, il « fait son temps », mais c’est sans compter avec l’acharnement du juge de l’époque, relayé trente ans après par le zèle excessif du procureur toujours aussi assidument attelé à son ouvrage. Une longue épreuve à laquelle a vaillamment résisté sa dernière union amoureuse et sa nouvelle famille.

Film-mémoire, film-miroir, le document de Laurent Bouzereau, émaillé d’extraits de films, d’images d’archives, de photos inédites, explore avec passion et retenue la captivante complexité de la vie d’un homme simple tout entier propulsé par la force de son œuvre cinématographique.

Marie-Jo Astic

 

 

 


1h34 - Grande-Bretagne, Allemagne - Documentaire.

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