Contes cruels de la jeunesse
Seishun Zankoku Monogatari
de Nagisa Oshima
Sélection officielle
Cannes Classics








La fureur de détruire

Longtemps invisible, Contes cruels de la jeunesse n'a été distribué en France qu'en 1986, au même titre que Les Plaisirs de la chair (1964). À une époque où étaient montrés et encensés À bout de souffle et autres films de la Nouvelle Vague, d'autres pays voyaient l'émergence d'une nouvelle génération de cinéastes, du Free cinéma anglais aux nouvelles vagues tchèques et polonaises. Le Japon créait lui aussi sa petite révolution sans exporter les œuvres concernées, son 7e art n'étant alors connu que par les prestigieux noms de Kurosawa ou Mizoguchi. Contes cruels de la jeunesse est ancré dans le Japon des années 60. Ruiné par la Seconde Guerre mondiale et sonné par la défaite, le pays s'était tout de même reconstruit dans le cadre de ce qu'il était convenu d'appeler « le miracle japonais ».

Le contexte historique et politique du récit (brèves allusions à la guerre, conflits sociaux), n'est pas ici un simple arrière-fond, le tourment des personnages semblant s'inscrire dans un cadre plus large, comme si la société japonaise vivait dans le traumatisme d'une période trouble et n'affichait qu'une unité de façade. Le protagoniste le plus emblématique est ainsi Kiyoshi, mi-délinquant, mi-étudiant, qui vit d'expédients à Tokyo, et entretient des relations difficiles avec des militants de gauche. Occasionnellement gigolo, il entretient des rapports troubles avec Makoto, une jeune lycéenne qui attendra un enfant de lui.

D'abord protecteur (il la sauve alors qu’elle est agressée par un homme d’âge mûr), il la contraint à des relations sexuelles dès le lendemain avant de vivre avec elle puis de l'exploiter en en faisant un appât auprès d'autres hommes. Amoureuse de Kiyoshi malgré ses souffrances, Makoto semble marquée par un masochisme que l'on retrouvera dans des films postérieurs d'Oshima. Il règne ainsi dans Contes cruels de la jeunesse une ambiance oppressante, le caractère autodestructeur de la relation qui unit les deux jeunes gens anticipant le paroxysme fusionnel des deux amants de L'empire des sens (1976), le chef-d'œuvre d'Oshima. Sur le plan formel, Contes cruels de la jeunesse s'avère très novateur, le cinéaste utilisant le format du scope avec une originalité qui n'avait pas été vue à l'écran depuis Lola Montès (M. Ophuls, 1955). De la caméra portée aux très gros plans décadrés, des intérieurs étouffants aux extérieurs naturels, Oshima explore de nouvelles pistes d'expression visuelle tout en présentant une œuvre que l'on peut apprécier au premier degré en tant que morbide drame de mœurs ou polar désenchanté.

Le Festival de Cannes 2014 a présenté une version restaurée du film dans sa section Cannes Classics. Il s'agit d'une restauration numérique réalisée en 4K sous la supervision de Takashi Kawamata, le cameraman de Nagisa Oshima. Carlotta Films sera chargé de sa distribution en France.

Gérard Crespo



 

 


1960 - 1h32 - Japon - Scénario : Nagisa OSHIMA - Interprétation : Yusuke KAWAZU, Miyuki KUWANO, Yoshiko KUGA.

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