Jauja
de Lisandro Alonso
Sélection officielle
Un Certain Regard

Prix FIPRESCI


Sortie en salle : 29 avril 2015




Au Pays de Cocagne

1882, durant la « Conquête du Désert », un avant-poste reculé au fin fond de la Patagonie. Alors que les actes de sauvagerie se multiplient de part et d’autre, le Capitaine Gunnar Dinesen arrive du Danemark avec sa fille de quinze ans afin d’occuper un poste d’ingénieur dans l’armée argentine. Celle-ci tombe amoureuse d’un jeune soldat, et tous deux s’enfuient à la faveur de la nuit. À son réveil, le Capitaine Dinesen comprend la situation et décide de s’enfoncer dans le territoire ennemi pour retrouver le jeune couple…

Lisandro Alonso (La Libertad, Los Muertos, Liverpool) inscrit son cinquième long métrage dans un contexte historique précis, celui de la Conquête du Désert (1878-1885), une campagne militaire menée contre les peuples amérindiens, et par laquelle le gouvernement argentin put prendre le contrôle de la Pampa et de la Patagonie. De plus, dès le début du XIXe siècle, la France, le Danemark ou l’Angleterre y avaient organisé des expéditions dans un but économique et politique. Cette incursion dans le film historique est une première pour le cinéaste argentin qui jusque là avait situé toutes ses œuvres à l’époque contemporaine. De la même manière, il a recours pour la première fois à des acteurs professionnels, dont Viggo Mortensen. Le titre du film (que l’on pourrait traduire par « Pays de Cocagne ») fait référence à la mythologie et au récit des Anciens : il s’agirait, en fait, d’une terre d’abondance et de bonheur, un paradis terrestre très recherché par les hommes.


Le décor est d’ailleurs planté dès les premières minutes, qui permettent la rencontre avec les personnages. Le voyage peut alors commencer ; il atteindra des sommets, oscillant entre western, fantastique et philosophie. Le cinéma de Alonso n’est pas traditionnel, c’est le moins que l’on puisse dire. Il peut déstabiliser, même rebuter. Pour lui, le cinéma doit être une sorte de voyage sensoriel et mental : Jauja en est la preuve éclatante. Le film est l’histoire d’un homme qui adore sa fille et de sa quête désespérée pour la retrouver, une quête personnelle qui va le conduire (et le spectateur avec) jusqu’à un lieu où le temps et l’espace se mélangent et n’ont plus de sens propre. Il s’agit d’un trip hallucinatoire, possédant une dimension métaphysique, qu’il conviendrait de revoir une ou plusieurs fois pour en saisir pleinement le sens. La puissance visuelle (beauté sidérante des images) et la violence de ce voyage mental éprouvant apparaissent clairement dans la seconde partie du film qui, rétrospectivement, permet de mieux apprécier ce qui a été vu auparavant. La rencontre avec une vieille femme dans une grotte ouvre sur une fin étrange, donnant (peut-être) l'une des clés de ce mystère.

Enfin, signalons, la qualité de la mise en scène (tournage en 35 mm et en 1.33) et celle de l’interprétation (Viggo Mortensen est génial, une fois de plus) qui font de ce film, parfois un peu difficile d’accès, une vraie réussite qui hante le spectateur longtemps après la projection.

Xavier Affre

 

 


1h41 - Argentine - Scénario : - Interprétation : Viggo MORTENSEN, Ghita NORBY.

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