Mr. Turner
de Mike Leigh
Sélection officielle
En compétition

Prix d'interprétation masculine (Timothy Spall)
Prix de la CST (Dick Pope)


Sortie en salle : 3 décembre 2014




« Le cynisme n’a pas sa place dans la critique d’art »

Plus que de Joseph Mallord William Turner, c’est bien de Mr Turner, dont Mike Leigh livre la peinture en révélant sans amabilité la part d’ombre du « peintre de la lumière », précurseur de l’impressionnisme et de l’abstraction.

L’art et la peinture sont cependant omniprésents dans cette œuvre-fleuve, d’une beauté formelle incontestable, le réalisateur composant méticuleusement, après un superbe générique, chacun de ses plans comme un tableau, brossant le portrait d’une époque, d’une société, au pays de Dickens. Mais aussi et surtout d’un drôle de personnage, ours au physique ingrat et s’exprimant le plus souvent par grognements.

Mr Turner est définitivement un ronchon. Qu’il trousse sa dévouée gouvernante ou qu’il ferraille avec son rival John Constable à l’Académie, il bougonne, grommelle, maugrée, renâcle. Un peu trop sans doute, même si Timothy Spall excelle dans l’acrimonie.

Ces dernières années de vie ici prises en compte donnent à explorer aussi bien une belle complicité de Turner avec son père, une rafraîchissante histoire d’amour entretenue sous le nom de Mr Mallord avec la douce Mrs Booth, au hasard de séjours en bord de mer à Margate, que sa relation dépravante avec la pauvre Hannah (restée pendant quarante ans à son service), sa négligence à l’égard de la mère des deux filles naturelles du peintre, et encore plus avec icelles, ses frasques à la Royal Academy of Arts et son mépris affiché pour Benjamin Robert Haydon, éternel persécuté et exclu de ladite institution. Il reste que, quelle que soit la situation, rien ne filtre jamais à travers le personnage enfermé dans une espèce d’autisme qui interdit définitivement toute émotion. Si l’on ressent presque par hasard quelques touches de compassion (à contre-courant), de frustrations, de « mal aux autres », voire de beauté intérieure, celles-ci sont systématiquement mises à mal par trop de non-dits et par la goujaterie prédominante du bonhomme.

À force de deux heures et demi de grognements quasi ininterrompus, Timothy Spall a donc obtenu la récompense suprême en matière d’interprétation : le choix n’est peut-être pas tout à fait judicieux, car tandis que l’acteur fétiche de Mike Leigh interprète très honorablement un rôle, Antoine-Olivier Pilon (Mommy) accomplit, lui, une réelle performance d’acteur.

Marie-Jo Astic


 

 


2h29 - Royaume-Uni - Scénario : Mike LEIGH - Interprétation : Timothy SPALL, Roger ASHTON-GRIFFITHS, Julian SEAGER, Robert PORTAL, Lesley MANVILLE.

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