Mia Madre
de Nanni Moretti
Sélection officielle
En Compétition

Prix du Jury œcuménique


Sortie en salle : 2 décembre 2015



Mal de mère

Palme d'or en 2001 avec La Chambre du fils, Nanni Moretti avait fait un retour remarqué sur la Croisette avec Le Caïman et surtout Habemus Papam. Mia Madre marque un autre sommet de sa filmographie. Il y dirige à nouveau son actrice fétiche, Margherita Buy, qui incarne son alter ego. Elle est en effet dans la peau d'une réalisatrice en proie au doute, et qui tente tant bien que mal de concilier tracas professionnels et soucis d'ordre privé. Margherita doit faire face à un tournage foireux. Rien ne se passe comme prévu, et elle doit diriger un cabotin de pure race, Barry Hungins, vedette américaine imposée par la production, et interprétée avec une puissance histrionique par John Turturro.

Le mauvais comédien, persuadé d'avoir tourné avec Kubrick alors qu'il n'en est rien, multiplie bourdes et contresens sur son rôle, est incapable d'aligner trois phrases d'italien correctement et fait tourner en bourrique l'ensemble de l'équipe du film. Jamais Nanni Moretti n'avait été aussi brillant dans cette veine burlesque. Mais c'est pour étonner davantage avec l'autre aspect de l'œuvre, qui montre Margherita affronter ses problèmes familiaux. Divorcée, mère d'une adolescente, elle doit gérer l'hospitalisation de sa mère (Giulia Lazzarini), une ex-universitaire atteinte d'une grave maladie. Avec son frère Giovanni (Nanni Moretti), Margherita se prépare à un deuil inéluctable.

Jonglant narrativement avec le réel et l'imaginaire, la farce et le tragique, Nanni Moretti assume un aspect ouvertement autobiographique, tout en refusant l'étiquette de l'autofiction : « J'ai commencé à écrire quand les choses que je raconte dans le film venaient d'arriver dans ma vie », a-t-il toutefois déclaré dans le dossier de presse. Si Mia Madre a tant séduit les festivaliers, c'est par cette sincérité des sentiments et cette aptitude à combiner réflexion sur la création artistique et radioscopie d'un drame familial, sans ce chantage au sentiment et cette manipulation de l'émotion que l'on a pu trouver dans d'autres films, à commencer par le redoutable Mon roi de Maïwenn.

Il est à cet égard scandaleux que le Jury du Festival ait préféré au jeu subtil et complet de Margherita Buy la prestation fausse et hystérique d'Emmanuelle Bercot. De même que l'on peut regretter qu'un film de cet envergure n'ait été récompensé que par le prix œcuménique. Mia Madre aurait dû en effet avoir sa place au palmarès officiel, au même titre que Mountains may depart ou Sicario... On peut parier que le public fera un triomphe à cette perle du cinéma italien dont la sortie est prévue à l'automne prochain.

Gérard Crespo

 



 

 


1h42 - Italie - Scénario : Nanni MORETTI, Francesco PICCOLO, Valia SANTELLA - Interprétation : Margherita BUY, Nanni MORETTI, John TURTURRO, Pietro RAGUSA, Giulia LAZZARINI.

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