A Perfect Day (Un jour comme un autre)
de Fernando Leon de Aranoa
Quinzaine des Réalisateurs


Sortie en salle : 16 mars 2016




« Then later a movie too, and then home »

Un groupe d’humanitaires est en mission dans une zone en guerre : Sophie, nouvelle recrue, veut absolument aider ; Mambru, désabusé, veut juste rentrer chez lui ; Katya voulait Mambru ; Damir veut que le conflit se termine ; et B ne sait pas ce qu’il veut.
Deux films se cachent dans A Perfect Day. Un premier qui avance sobrement sous couvert d’une chronique humaniste puissante, dans l’univers des ONG humanitaires, et un deuxième qui se permet des détours humoristiques tutoyant parfois les personnages des frères Coen. Une œuvre engagée et jubilatoire à la fois donc, mais qui ne perd jamais de vue son attachement thématique de base : l’humain avec un grand H. L’envie d’évoquer des situations graves par le biais de scènes légères est également manifeste chez Fernando Leon de Aranoa, elle atteint même un épanouissement éloignant son médium du rivage des donneurs de leçons.
En s’appuyant sur des acteurs aussi doués qu’hilarants (Benicio del Toro est décidément très en veine après le sublime Sicario, et Tim Robbins signe son grand retour fracassant), le film s’évertue à mettre l’accent sur des situations héroïques et comiques à la fois, démontrant la vacuité de certains dispositifs gouvernementaux désuets. Par le biais d’images puissantes, comme celles des reflets « éclatés » dans le miroir de la demeure détruite, de Aranoa caractérise des personnages d’ici et d’ailleurs, en mission dans un monde sans frontières et pourtant disparate. À ce petit jeu, il faut reconnaître au réalisateur un sens inné pour l'ampliation des destins humains appuyant sa thèse principale :

Mambrú débattant de la couleur d’une chambre avec sa compagne, alors même qu’il est aux côtés d’une mine prête à exploser ; "B" un personnage sans prénom, déphasé (mais tordant), qui ne sait même plus où se trouve son véritable « chez lui », etc. Mais loin de plagier le style de tel ou tel metteur en scène, Fernando Leon de Aranoa transcende finalement l’aspect comique par un étalage de véracité qui ne pouvait découler que de lui... puisqu’il a lui-même filmé de véritables missions humanitaires avant de tourner A Perfect Day.
Aidé par quelques gimmicks rock extradiégétiques, il faut voir avec quelle astuce le metteur en scène illustre l’ambivalence fonctionnelle de ses héros normaux, mais avant tout très humains. La scène du microcosme s’installant dans les voitures retenues par des mines est à ce titre un régal. Et la résolution de l’enjeu dramatique du cadavre dans le puits étant à ce titre une allégorie du long métrage dans son ensemble, qui au demeurant ouvre et referme la réalisation. En résulte un sens profond de l’acceptation de notre propre condition, qui doit parfois se cantonner à celle d’observateur impuissant. La réussite de ce « jour parfait » émane donc d’un alliage juste entre comique et dramatique, légèreté et gravité, saveurs mélangées d’ici et de là-bas, mais aussi et surtout, d’une confrontation à la notion d’utopies qu’il faut parfois savoir abandonner. Il trouve par là même en Mélanie Thierry une excellente représentante de cette perte d’innocence des plus touchantes. Un jour comme un autre est drôle, informatif, et personnel à la fois !

Nicolas Lochon

En collaboration avec le site aVoir-aLire

 



 

 


1h46 - Espagne - Scénario : Fernando Leon de ARANOA, d'après le roman de Paul Farias - Interprétation : Benicio DEL TORO, Tim ROBBINS, Mélanie THIERY, Olga KURYLENKO, Fedja STUKAN.

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