Sicario
de Denis Villeneuve
Sélection officielle
En Compétition



Sortie en salle : 7 octobre 2015


« Vous ne survivrez pas ici. Vous n’êtes pas un loup. »

Kate Macer (Emily Blunt), agent du FBI, découvre le massacre commis dans la propriété d’un cartel mexicain. Profondément choquée, elle rejoint alors la mission clandestine dirigée par le mystérieux agent colombien Alejandro (Benicio Del Toro) et l’agent spécial Matt Graver (Josh Brolin). Croyant se battre pour la justice, la jeune femme se retrouve au centre d’un conflit meurtrier impliquant des gangs, des espions américains clandestins, mais aussi des milliers d’innocents… Le thème des trafics frontaliers impliquant les États-Unis et le Mexique avait été abordé dans des films aussi divers que La Soif du mal (Orson Welles, 1958) et Traffic (Steven Soderbergh, 2000). Le thriller de Denis Villeneuve est davantage dans la lignée du second et porte un regard sans concessions sur la corruption, tout en donnant une vision plutôt sombre de la lutte contre les démantèlements de réseaux mafieux. « C’est aussi un film sur l’Amérique et la manière dont l’idéalisme se heurte au réalisme quand il s’agit d’affronter les problèmes d’autres pays », a déclaré le réalisateur. Denis Villeneuve ne signe pas pour autant une œuvre ouvertement politique, et on est loin des intentions d’un certain cinéma des années 70, du Alan J. Pakula de À cause d’un assassinat au Francesco Rosi de Cadavres exquis. Certes, Taylor Sheridan, scénariste de Sicario, a basé son récit sur une enquête minutieuse, évoluant dans un univers de programmes d’espionnage de la CIA classifiés, d’accords secrets et de cartels assassinant les journalistes trop curieux :

mais au-delà de ces apparences, il ne s’agit pas plus d’un film-dossier documentaire souhaitant exposer les faits d’une action criminelle internationale. Sicario est d’abord un beau portrait de femme, coriace, intègre, très attachée à son travail et son pays, et qui se retrouve confrontée à un univers dont elle ne décèle pas tous les codes, ce qui la rend de plus en plus vénérable sur le plan émotionnel. Emily Blunt dévoile un véritable tempérament dramatique et l’actrice dans un rôle tant physique que cérébral parvient avec brio à donner du relief à ce personnage complexe. Cet aspect psychologique est imbriqué avec adresse dans un polar vertigineux multipliant les effets de narration en trompe-l’œil, avec un art du montage et une élégance de mise en scène dignes du De Palma des meilleurs jours. Denis Villeneuve est un cinéaste que l’on a commencé à prendre au sérieux avec Incendies (2010), drame familial qui valait surtout pour le matériau théâtral dont il était adapté. Il avait ensuite réalisé Prisoners (2013), thriller magistral, suivi de Enemy (2014), étude criminelle d’une veine plus intimiste, et qui déviait vers le fantastique suggestif. Sicario est un peu la synthèse de ces films et se présente donc sous la forme d’un film d’action policier faisant la part belle aux mystères et faux-semblants. Tout comme Mia Madre ou Mountains may depart, il n’a hélas pas réussi à convaincre le Jury de Cannes 2015.

Gérard Crespo

 



 

 


1h45 - États-Unis - Scénario : Taylor SHERIDAN - Interprétation : Emily BLUNT, Benicio DEL TORO, Josh BROLIN, Jeffrey DONOVAN, Jon BERNTHAL.

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