Youth
La Giovinezza
de Paolo Sorrentino
Sélection officielle
En Compétition



Sortie en salle : 9 septembre 2015



Nous vieillirons ensemble

Dans un bel hôtel de Davos, au pied des Alpes suisses. Fred (Michael Caine) et Mick (Harvey Keitel), deux vieux amis octogénaires, font le bilan de leur vie agitée et évoquent des souvenirs, tout en ayant conscience que le temps leur est compté. Fred fut un compositeur et chef d'orchestre réputé, proche de Stravinsky, et internationalement connu pour ses « Simple Songs », courtes pièces dont les mélomanes étaient friands. Mick est un cinéaste sur le déclin. Ses derniers films ont été des fours, mais il rêve de tourner son œuvre testamentaire et de recontacter Brenda Morel (Jane Fonda), son actrice fétiche. Sur le plan personnel, les liens entre Fred et Mick ont été renforcés lorsque la fille de l’un (Rachel Weisz) a épousé le fils de l’autre. La crise conjugale du jeune couple, la visite inattendue d'un émissaire de la reine d'Angleterre puis celle, fracassante, de Brenda Morel, viennent tourmenter le séjour paisible des deux vieillards... Depuis Il Divo, le cinéma de Paolo Sorrentino a connu une évolution. Après les mécaniques stylistiques brillantes et un peu vaines des Conséquences de l'amour et L'Ami de la famille, le réalisateur a souhaité construire des scénarios plus solides, avec des dialogues davantage explicites, une volonté de se muer en moraliste désabusé, mais en maintenant un certain style baroque et démesuré. Le résultat fut splendide avec La Grande bellezza, son film le plus abouti, absent du palmarès cannois de 2013 mais succès international et Oscar du meilleur film en langue étrangère. Youth prolonge cette veine. Malgré un casting international et un tournage en langue anglaise, il s'agit d'une œuvre révélatrice de l'héritage d'un certain cinéma italien, de la comédie de l'âge d'or (Risi, Comencini) à la mise en abyme incarnée par le Fellini de Huit et demi.

L'aspect comique est pourtant le moins réussi, particulièrement dans la première partie, festival de grivoiseries et d'humour lourdaud, et dont l'affiche du film reflète la teneur. Les vannes sur les problèmes urinaires ou le démon du midi des deux hommes illustrent les problématiques du troisième âge dans un esprit plus proche des Vieux de la vieille que de Amour... Mais l'inquiétude du spectateur est de courte durée. Sorrentino se rattrape avec une série de saynètes réjouissantes mettant en avant une galerie de personnages pittoresques, d'un jeune acteur hollywoodien vedette d'un film de robots (Paul Dano) à une chanteuse de variétés vulgaire, en passant par un moine tibétain qui prétend léviter. On trouvera ici des similitudes avec The Lobster, autre film sarcastique de la compétition officielle ayant pour cadre un hôtel froid et cossu. Ces passages alternent avec des moments plus graves qui permettent à Michael Caine de distiller une véritable émotion, le récit évoquant son épouse, ex-cantatrice devenue sénile, et qui fut l'amour de sa vie. Sorrentino se refuse toutefois à exercer le moindre chantage aux sentiments, les ruptures de ton étant permanentes. Youth est enfin une remarquable réflexion sur l'impuissance créatrice : le « projet de film dans le film » lui donne un décalage subtil, tout en proposant une vision singulière sur l'avenir du cinéma. Présentée en milieu de Festival, Cette œuvre a divisé. Certains y dont décelé un film majeur, méritant une Palme d'or ou un Prix d'interprétation pour Michael Caine (récompense qui l'aurait de surcroît honoré pour l'ensemble de sa carrière). D'autres n'y ont vu que de la poudre aux yeux. Youth nous semble mériter ni cet excès d'honneur ni cette indignité. Il s'agit au final d'un film estimable en dépit de quelques défauts.

Gérard Crespo

 



 

 


1h58 - Italie, Royaume-Uni, Suisse - Scénario : Paolo SORRENTINO - Interprétation : Michael CAINE, Harvey KEITEL, Rachel WEISZ, Paul DANO, Jane FONDA.

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