Folles de joie
La Pazza gioia
de Paolo Virzi
Quinzaine des Réalisateurs
Coup de cœur CinÉcole






Deux femmes sous influence

Beatrice (Valeria Bruni Tedeschi), une mythomane qui se prend pour une comtesse milliardaire, et Donatella (Micaela Ramazzotti), une jeune femme tatouée, introvertie et déprimée, se rencontrent dans un hôpital psychiatrique. En fuyant l'institution, elles vivront une amitié inattendue et une aventure drôle et émouvante à la recherche d’un peu de joie et d’amour dans cette maison de fous à ciel ouvert qu’est le monde des gens « sains »... Paolo Virzi avait récolté une pluie de Donatellos (les César italiens) pour Les Opportunistes (2013), aimable satire qui le situait dans la veine d'un Giuseppe Tornatore davantage que celle d'Ettore Scola. Virzi est en effet un habile conteur, plus qu'un véritable auteur, ce que confirme ce récit attachant et enlevé mais manquant parfois d'épaisseur et de véritable style filmique. Plus qu'à un Thelma et Louise transalpin, on songera surtout à un pendant féminin et actualisé du Fanfaron (1962) de Dino Risi, coécrit par Scola, et qui narrait déjà la virée en voiture de deux personnalités opposées, sur fond de satire sociale. Vittorio Gassman est ici remplacé par Valeria Bruni Tedeschi, bourgeoise déchue, volubile et fantasque, approfondissant le personnage qui l'avait révélée dans Les Gens normaux n'ont rien d'exceptionnel (1993) de Laurence Ferreira Barbosa. Le timide étudiant incarné par Jean-Louis Trintignant a pour substitut l'introvertie et mystérieuse paumée campée par Micaela Ramazzotti, actrice subtile remarquée dans Mezzanotte de Sebastiano Riso. Paolo Virzi se tire avec honneur de cet héritage, mais de façon inégale. Si la première partie est un peu mollassonne (on est loin de la verve de Vol au-dessus d'un nid de coucou), le film devient enlevé et trouve le souffle des comédies italiennes de la grande époque quand Beatrice et Donatella s'évadent de leur bienveillante pension de folles :

une tentative d'arnaque bancaire déjouée et c'est le directeur qui se voit traiter de voleur, car il est supposé détourner les fonds de Mario Draghi et de la Banque centrale européenne... Et lorsque Donatella retrouve sa mère (Anna Galiena), une série de quiproquos familiaux ancre le récit dans la meilleure tradition des Comencini et Germi... Et l'on sera reconnaissant au cinéaste de poursuivre la dénonciation du système psychiatrique italien, déjà abordé par Marco Tullio Giordana dans Nos meilleures années (2003). On regrettera cependant certains gags redondants, ainsi que l'épisode maladroit qui voit nos deux femmes atterrir dans Un Château en Italie, demeure familiale régie par la matriarche Marisa Borini (mère de Valeria et Carla à la ville), comédienne excellente au demeurant... On ne doute pas de l'implication personnelle de Valeria Bruni Tedeschi au projet du film mais cette digression casse quelque peu le rythme de l’œuvre, qui retrouve toutefois sa force dans un dénouement touchant et d'une grande force mélodramatique, dans le meilleur sens du terme. « Je voulais que ce soit une comédie, divertissante et humaine, une histoire qui, à un moment donné, finirait par s’approcher d’un conte, ou carrément d’un trip psychédélique, mais sans être dépourvue de sens. Nous voulions raconter aussi l’injustice, l’oppression, le martyre de personnes fragiles, de femmes stigmatisées, méprisées, condamnées, recluses. Mais sans que cela ne devienne un pamphlet. Nous cherchions des traces de bonheur, ou pour le moins d’euphorie, dans l’internement », a déclaré Paolo Virzi. Malgré nos réserves, son pari est gagné : Folles de joie exerce un réel pouvoir de séduction et a véritablement conquis le public de CinÉcole.

Gérard Crespo

 



 

 


1h56 - Italie - Scénario : Francesca ARCHIBUGI, Paolo VIRZI - Interprétation : Valeria BRUNI TEDESCHI, Micaela RAMAZZOTTI, Valentina CARNELUTI, Anna GALIENA, Bob MESSINI, Sergio ALBELLI, Tommaso RAGNO, Marisa BORINI.

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