La Jeune fille sans mains
de Sébastien Laudenbach
Acid






« Qu'y a-t-il , derrière mon moulin, sinon mon pommier en fleurs ? »

En des temps difficiles, un meunier vend sa fille au Diable. Protégée par sa pureté, elle lui échappe mais est privée de ses mains. Cheminant loin de sa famille, elle rencontre la déesse de l'eau, un doux jardinier et le prince en son château. Un long périple vers la lumière… Après La Tortue rouge (Un Certain Regard) et Ma Vie de Courgette (Quinzaine des Réalisateurs), La Jeune fille sans mains a illuminé le film d'animation à Cannes 2016. Le succès critique de l'œuvre, présentée à la section Acid, a été entériné par un Prix du Jury mérité au Festival d'Annecy. Le projet est né en 2001, mais a été repris en totalité en 2013 lorsque le réalisateur a passé un an à la Villa Médicis de Rome. Le scénario, librement adapté d'un conte méconnu des frères Grimm, ose le pari de la noirceur, de la lenteur et des digressions poétiques. Les parents sont les bourreaux, volontaires ou involontaires, de leurs propres enfants, et le périple de la jeune fille frôle le tragique déployé dans Le Tombeau des lucioles de Isaho Takahata. Limpide et allégorique, le récit s'avère être d'un féminisme bienvenu, loin des clichés de genre inhérents aux contes pour enfants. Sans story-board ni moyens numériques excessifs, Sébastien Laudenbach a conçu son film de façon artisanale, entouré d'une petite équipe dont le musicien Olivier Mellano qui avait déjà collaboré à ses deux courts métrages et a créé ici une partition à la fois légère et sombre, conforme aux ruptures de ton.

Sur le plan plastique, ce bijou a été conçu avec une économie de moyens : les couleurs sont basiques, et le dessin presque abstrait. Le graphisme est composé de tâches et de traits dessinés au pinceau, laissant au public le choix de combler les vides volontaires. Cette épure n'est pas pour rien dans le charme d'un film dans la lignée des grandes réussites du cinéma d'animation français, du Roi et l'oiseau de Paul Grimault au Tableau de Jean-François Laguionie. « Mon adaptation inscrit ce film d’animation dans une grande tradition : temps lointain réinventé, pays indéterminé, personnages qui sont davantage des figures que des caractères. J’ai ancré cette histoire dans une nature métaphorique : le diable polymorphe plus faune que démon, la déesse de la rivière dont le cycle, élément féminin, structure la topographie du voyage de la protagoniste, une forêt sombre, un plateau montagneux propice à l’isolement », a déclaré le cinéaste dans ses notes d'intention. Si le résultat est un enchantement, il faut aussi souligner le travail des acteurs ayant prêté leur voix : Philippe Laudenbach, oncle du réalisateur, que l'on a vu chez Truffaut et Resnais, est diabolique à souhait, et donne la réplique aux talentueux Anaïs Demoustier (Bird People), Jérémie Elkaïm (La Guerre est déclarée), Sacha Bourdo (Western) et Françoise Lebrun (La Maman et la putain).

Gérard Crespo

 



 

 


1h16 - France - Film d'animation - Scénario : Sébastien LAUDENBACH, d'après le conte des Frères Grimm - Avec les voix de : Anaïs DEMOUSTIER, Jérémie ELKAÏM, Philippe LAUDENBACH, Olivier BROCHE, Françoise LEBRUN, Sacha BOURDO, Elisa LÖWENSON.

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