Nous, les coyotes
We, the Coyotes
de Hanna Ladoul, Marco La Via
Acid








Une journée particulière

Amanda et Jake ont la vingtaine et veulent commencer une nouvelle vie ensemble à Los Angeles. Rien ne se passe comme prévu pour le jeune couple. Leur première journée dans la Cité des Anges va les emmener de déconvenues en surprises d’un bout à l’autre de la ville… Sans être autobiographique, l’œuvre est légèrement inspirée du parcours de Hanna Ladoul et Marco La Via. Après des études de journalisme à Cannes, ils ont suivi un cursus d’Histoire et de cinéma, avant de tenter leur chance à Los Angeles, mais les débuts n’ont pas été évidents : leur installation a pris plusieurs mois, et ils ont dû vivre de petits boulots avant d’intégrer le milieu du cinéma et de s’y constituer un réseau. Les auteurs ont été marqués par un certain cinéma contemporain traitant des déambulations de jeunes protagonistes dans une grande ville, en vingt-quatre heures : on songe à Oslo, 31 août de Joachim Trier, seconde adaptation, après Louis Malle, d’un roman de Drieu la Rochelle ; ou à Oh Boy de Jan-Ole Gerster, situé à Berlin. En mode plus mineur, ce premier long métrage n’en distille pas moins un charme réel, et a le mérite d’éviter les pièges de la pause auteuriste comme du produit culturel branché. On s’attache très vite à ce jeune couple parti de l’Illinois pour tenter sa chance à Los Angeles. Amanda est plutôt dynamique, volontaire et déterminée, écarquillant de grands yeux quand son entretien d’embauche se termine par une proposition de stage annuel non rémunéré, avec accès gratuit au parking et à la salle de sport (scène sarcastique et irrésistible, prouvant que le vieux champ-contrechamp peut aussi s’insérer dans un dispositif moderne). Jake, davantage adepte de la cool attitude, est qualifié de loser par sa belle-famille, et préfère « trouver ses repères » dans la nouvelle ville en fumant des joints avec un ancien pote rappeur ou se baignant dès qu’il en a l’occasion.

Alternant saynètes comiques et mélancoliques, les réalisateurs donnent à voir un Los Angeles éloigné du mirage hollywoodien et du rêve américain en général, même si c’est dans leurs déboires qu’Amanda et Jake semblent fortifier leur amour et puiser leur énergie. Car la faune qu’ils côtoient en vingt-quatre heures ne semble guère rassurante, de la tante rigide qui les héberge avec une bienveillance minimale au propriétaire de logements vétustes, en passant par un employé corrompu ou deux recruteurs cyniques. Disposant d’un budget réduit, les cinéastes ont tourné en vingt jours, avec un traitement minimaliste qui confère à Nous, les coyotes une sobriété sans austérité, une narration simple et linéaire, dépouillée de tout artifice. On trouvera toutefois une jolie métaphore animalière qui éclaire le titre du film, ce que tiennent à préciser les réalisateurs : « Les coyotes sont très présents dans la ville de Los Angeles. Ils ont la particularité d’être des animaux sauvages qui coexistent avec les humains, parce qu’on a envahi leur habitat naturel. Ils errent majestueusement dans une ville hostile, à la recherche d’un peu de nourriture et d’un endroit où passer la nuit. Il nous semble qu’Amanda, Jake, et plus largement la jeunesse de Los Angeles et d’ailleurs partagent cet état d’esprit résilient et courageux face à un monde qu’on ne comprend pas et qui ne nous comprend pas toujours ». Il n’est pas superflu d’ajouter que le film doit beaucoup à la grâce de ses deux jeunes interprètes : Morgan Saylor au jeu déjà très affirmé, et McCaul Lombardi, que l’on avait déjà remarqué dans American Honey d’Andrea Arnold et Patti Cake$ de Geremy Jasper.

Gérard Crespo



 

 


1h27 - France - Scénario : Hanna LADOUL, Marco LA VIA - Interprétation : Morgan SAYLOR, McCaul LOMBARDI, Betsy BRANDT, Khleo THOMAS, Lorelei LINKLATER.

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