Woman at War
Kona fer i strio
de Benedikt Erlingsson
Semaine de la Critique
Prix SACD
Coup de cœur CinÉcole









Cut Woman

Il est des films comme des vins : certains sont puissants, d’autres un peu trop faciles, parfois très rugueux mais riches, souvent souples mais un peu plats.
Woman at War, s’il n’a pas la puissance d’un Côte-rôtie ou la finesse d’un Chambertin, est sans défaut. Rond, équilibré et frais mais de belle charpente tout de même ; pas très long en bouche, certes, mais d’une finesse et d’une originalité sans pareil. Et puis c’est du bio !

Halla (magnifique Halldóra Geirharðsdóttir) est dans la vie une professeure de chant célibataire, la cinquantaine épanouie, ne se déplaçant qu’à vélo, exigeante mais bienveillante avec ses élèves adultes. Mais Halla est aussi une femme en guerre. Contre l’industrie de l’aluminium islandais, la plus consommatrice d’énergie du pays.
Comme Stéphane Brizé fait parler Brecht dans son dernier film En guerre, « celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu ».
Halla mène un combat qui paraît impossible : détruire les lignes haute tension avec peu de moyens, mais ô combien astucieux, afin de paralyser les usines d’aluminium et de porter un coup sévère à cette industrie trop polluante selon ses convictions.
Aussi courageuse que débordée par les conséquences de ses actes, Halla va mener de front, telle une Don Quichotte pas chochotte, ce combat en même temps que l’aboutissement de sa demande d’adoption d’une petite orpheline…

Il y a de la virtuosité dans l’écriture du scénario et dans la mise en scène ; mais de cette virtuosité invisible qui laisse exister les personnages par leur propre force et originalité et dérouler leurs parcours sans artifice. Les idées à la fois narratives et visuelles sont riches et nombreuses et ce n’est pas « divulgâcher » le plaisir que de souligner la subtilité avec laquelle Erlingsson intègre dans le cadre physique et diégétique la musique du film.  Pour son deuxième film après Des chevaux et des hommes, le réalisateur a endossé également pour Woman at War, le rôle de producteur, comme pour faire face à ses propres débordements ou imperfections qu’il aura partagés avec son héroïne.
Benedikt Erlingsson, qui n’en est pas à son premier défi – il avait joué dans la comédie déjantée Le Direktor, de Lars von Trier qui avait la particularité d’avoir des cadrages entièrement régis aléatoirement par ordinateur –, a gagné le pari d’un film drôle et touchant, original et pêchu, militant sans être pédagogo.
Les trois cents spectateurs de CinÉcole, lors du dernier Festival de Cannes, ne s’y sont pas trompés et ont attribué leur Coup de cœur à Woman at War.

Jean Gouny



 

 


1h41 - Islande, France, Ukraine - Scénario : Benedikt ERLINGSSON, Ólafur EGILL EGILSSON - Interprétation : Halldóra GEIRHAROSDÓTTIR.

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