Seul contre tous
de Gaspar Noé
avec Philippe Nahon, Blandine
Lenoir, Frankyie Pain,
Martine Audrin...
Semaine Internationale
de la Critique
Prix de la Semaine Internationale de la Critique - Prix de la Jeunesse

 

C'est l'histoire d'un ex-boucher chevalin. Il a abandonné sa fille débile dans une institution pour recommencer sa vie. Et quel nouveau départ ! Désargenté, il vit avec une femme à laquelle il fait un enfant. Le projet de rachat d'un commerce échoue. La vie est dure. La violence s'impose, la femme battue avorte... La vie peu à peu le pousse dehors... L'homme sans nom décide d'abattre ceux qu'il considère comme des gêneurs quand il redécouvre sa fille, qu'il violente. La voix off du protagoniste désenchanté enfonce le clou. Il cède progressivement du terrain à la folie qui le gagne ; il est un être changeant - sombrant - dans un monde aux codes immuables. Il rumine sa malchance et s'en prend à la société tout entière qui le broie et qu'il veut pourtant encore faire céder. Pour ce faire, lui qui n'a plus rien à perdre, mettra l'énergie du désespoir au service d'une haine devenue, on le craint, incontrôlable. Gaspar Noé s'ingénie avec succès à nous faire mal. Avec Philippe Nahon dans le rôle du monstre, son film agit comme un tatouage de sa mauvaise conscience sur notre peau : difficile à supporter, impossible à effacer. La mise en scène syncopée éprouve : le film est rythmé par le bruit du hachoir qui s'abat sur l'étal‚vous découpe des séquences saignantes et nettes, exemptes de sentimentalisme ou autres mièvreries. Il fallait bien cela.

Le propos est grave : Gaspar Noé triture son sujet en profondeur : son boucher sans nom, avant d'endosser les thèses les plus frontistes qui soient, était de confession rouge... C'est lâché, en route pour le chemin de croix du boucher qui rêvait d'être un bourreau... Seul contre tous est un film utile et efficace, un premier film réussi.

Nicolas Fine


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