Oasis
Lee Chang-dong
Semaine Internationale de la Critique
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Présenté en séance spéciale (comme révélation de l'année de la FIPRESCI), Oasis a la particularité d'être l'œuvre d'un jeune réalisateur sud-coréen promu Ministre de la Culture de son pays depuis février 2003 ! Pour son troisième long métrage, Lee Chang-Dong n'a pas choisi la facilité.
L'histoire de la rencontre puis de la passion amoureuse « hors-norme » entre un délinquant récidiviste, Jong-Du et une jeune handicapéee cérébrale perclue de tics, Gong-Ju, pouvait laisser craindre toutes les dérives : mélo larmoyant, récit édifiant ou voyeuriste. Le film, preuve d'un talent certain, déjoue avec brio et éclat tous ces écueils sans pour autant occulter les aspects dérangeants de son sujet.
La lâcheté des familles respectives d'abord, vis-à-vis de cette fille encombrante et de cet homme marginal : elle vit dans un modeste appartement sous la surveillance des voisins, abandonnée par son frère marié ; il est méprisé par les siens. Le refus de la société ensuite, qui par principe refuse de croire à la sincérité et à la réciprocité de cet amour : de la police au juge, tous pensent que Jong-Du abuse d'une pauvre malheureuse incapable de se défendre. La tendresse et l'amour physique enfin entre les protagonistes, sources de satisfaction et de plaisir pour les jeunes gens mais liaison monstrueuse pour les proches.

L'oasis du titre c'est d'abord le motif d'une petite tapisserie accrochée aux murs de la chambre de Gong-Ju et sur laquelle se projettent les ombres mouvantes d'un arbre qui effraient la jeune femme. De manière plus métaphorique, c'est aussi la bulle hors du temps dans laquelle les héros vivent leur amour : moments suspendus dans la narration, belles scènes à l'onirisme discret dans lesquelles Gong-Ju se vit en fille normale, délivrée de sa paralysie (*).
Le style est à l'opposé d'un hiératisme et d'une lenteur de rythme souvent synonyme (à tort), pour le spectateur occidental, de cinéma asiatique. Filmage tendu, nerveux, caméra à l'épaule dans le Séoul d'aujourd'hui, mégalopole où comme partout dans les pays développés le modernisme le plus ostentatoire côtoie les quartiers déhérités où vivent les laissés pour compte. Oasis est une fable universelle sur un amour condamné par les normes sociales car « né sous une mauvaise étoile » comme le note le réalisateur ; de cet amour Jong-Du en offrira pourtant à tous une preuve irréfutable dans une scène finale déchirante et magnifique.

Pierre Soubeyras

(*) Gong-Ju est interprétée par une véritable jeune actrice, Moon So-Ri, récompensée pour sa performance à Venise en 2002.


2h12 - 2002 - Corée du sud - Scénario : Lee Chang-dong - Photo : Choi Young-taek - Son : Lee Sung-choul - Musique : Lee Jae-jin - Montage : Kim Hyun - Interprétation : Sol Kyung-gu (Hong Jong-du), Moon So-ri (Han Gong-ju)

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