Bamako
The Court
Abderrahmane Sissako
Sélection officielle
Hors compétition
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Le succès critique de Bamako, relayé par une distribution en salles et une médiatisation relativement généreuses pour un film africain, a fait de cette œuvre l'un des événements de l'année 2006. On ne peut qu'être satisfait qu'un cinéaste doué (Abderrhamane Sissako) ait eu les moyens d'aborder un sujet (la responsabilité de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international dans la paupérisation de l'Afrique) généralement traité dans les colonnes de la presse et les débats économiques.
Le dispositif est insolite : des membres de la société civile malienne intentent un procès à ces institutions dont les acteurs sont jugés dans une petite cour commune d'un quartier de village. Si l'influence d'un Ousmane Sembene (le poids de la diatribe) ou d'un Idrissa Ouedraogo (la métaphore du conte) sont manifestes, le réalisateur a son propre style, utilisant avec intelligence les artifices du théâtre filmé (les plaidoiries) et d'un certain néoralisme (la souffrance des habitants dans leur vie quotidienne). Le montage, subtil, permet en outre de belles digressions avec un court-métrage parodie de western (courageuse participation de Danny Glover) et des plans émouvants sur les larmes de la belle Aïssa Maïga. Didactique et documenté, Bamako est le film idéal pour première partie de débat citoyen mais on ne saurait le réduire au prototype du film à thèse pour « dossiers de l'écran ».

On pourra reprocher au réalisateur une vision quelque peu manichéenne des politiques d'ajustement structurel imposées à l'Afrique, mais ce serait lui faire un procès d'intention car Sissako se situe dans le registre du pamphlet artistique plus que du rapport onusien.
Pourtant, les limites de Bamako sont manifestes : une durée trop longue pour un film où le dialogue a souvent des connotations hermétiques, des raccords maladroits, et un style démonstratif trop ostensible pour véritablement séduire. Les événements cinématographiques relèvent parfois de la loterie. De même qu'Une vérité qui dérange, film estimable mais maladroit, a occulté maints documentaires intéressants et plus aboutis, Bamako a attiré l'attention là où la sortie d'autres réalisations de pays en développement est passée quasiment inaperçue : Daratt, film tchadien, était le véritable chef-d'œuvre africain de l'année et l'on aurait aimé que des commentaires davantage louangeux le soutiennent. Mais Abderrhamane Sissako n'en est pas responsable et ne faisons pas la fine bouche. Nous ne pouvons que lui souhaiter de poursuivre son œuvre digne et de qualité.

Gérard Crespo


1h55 - Mali - Scénario, dialogues : Abderrahmane Sissako - Photo : Jacques Besse - Son : Dana Farzanehpour - Montage : Nadia ben Rachid - Interprétation : Aïssa Maïga, Tiécoura Traoré, Hélène Diarra, Habib Dembélé, Hamèye Mahalmadane, Aïssata Tall Sall.

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