Indigènes
Days of Glory
Rachid Bouchareb
Sélection officielle
Prix d'interprétation masculine pour l'ensemble des acteurs

très content



L’histoire d’Indigènes, c’est bien sûr celle de la reconquête de son territoire par la France, après la débâcle de 1940 et pour mettre fin à l’Occupation nazie. Mais c’est surtout celle de ces conquérants, Français colonisés originaires d’Afrique, qui, du fin fond de leurs bleds, souvent aussi « du fin fond de la misère, » ont répondu présent à l’appel pour défendre une lointaine et inconnue mère patrie. Parmi eux Saïd, Yassir, Abdelkhader, Messaoud, menés de main de fer par le sergent Martinez.
En contrepoint de l’injonction principale faite à tout soldat, sauver la France, d’autres instructions telle celle de ne pas toucher aux femmes “blanches” les démarquent dès le départ de leurs autres frères d’armes, les “vrais” Français.
Débarqués sur le continent à l’été 44, ils vont participer à la libération de l’Italie, de la Provence, de la vallée du Rhône, des Vosges pour se retrouver seuls à défendre, dans un froid qui leur paraît surréaliste, un village d’Alsace contre un bataillon allemand, attendant une relève qui comme souvent arrivera trop tard… pour eux.
Mais qui se préoccupe vraiment du sort de ces bataillons pas comme les autres ? Chair à fusil malléable à merci, ils furent 130 000 à être là pour ça, à garnir les premières lignes, à tomber les premiers.
Pour les Blancs, pour le commandement, que la notion de racisme ne semble même pas effleurer et peu dérangé par sa propre lâcheté ordinaire, la condition de sous-hommes qui leur est faite semble aller de soi : nourriture de second choix, inexistence de tout avancement, dénigrement des services rendus. Pour ces laissés pour compte le processus des pensions militaires sera gelé dans les années 50 et ce n’est que tout récemment, en 2002, alors que presque tous sont morts, que des dispositions viennent d’être prises pour rattraper des décennies d’injustice.

L’épilogue est pathétique et vient creuser les cicatrices qui ne cessent de se rouvrir entre la France et ses anciennes colonies.
Des blessures dont Rachid Bouchareb évite de faire une charge lourde contre le système français, mais qu’il préfère essaimer aux cœurs de ses héros, qu’il filme au plus près dans leurs peurs, leur détresse, leur vulnérabilité, leur crédibilité, leur fierté aussi.
Les expressions qui se lisent sur les visages de ces Africains sont bien plus éloquentes que bien des grands discours. Les interprètes sont tous impeccables, avec un plus pour Sami Bouajila.
Cependant, si l’œuvre méritait une récompense pour l’indispensable leçon d’histoire qu’elle donne, le quintuple prix d’interprétation masculine n’était peut-être pas le meilleur choix (Silvio Orlando en aurait fait un meilleur récipiendaire…), tandis qu’un prix Education nationale s’imposait (cette distinction, décernée à Marie-Antoinette, a bien couronné une tranche de notre histoire de France, mais d’un tout autre genre, pas forcément plus brillant). A quand l’instauration d’une Palme du cœur ?…

Marie-José Astic


2h05 - France / Algérie - Scénario, dialogues : Olivier Lorelle, Rachid Bouchareb - Photo : Patrick Blossier - Décors : Dominique Douret - Musique : Armand Amar, Khaled - Montage : Yannick Kergoat - Son : Olivier Thomas Hespel, Gauder - Interprétation : Jamel Debbouze, Samy Nacéri, Sami Bouajila, Roschdy Zem, Bernard Blancan.

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