L'un contre l'autre
Counterparts
Gegenüber
de Jan Bonny
Quinzaine des réalisateurs
Mention Prix Art et essai

palme



Captivant, irritant, dérangeant, le premier film de Jan Bonny – oublié de la Caméra d'or – nous plonge dans la noirceur d'une violence conjugale pas tout à fait ordinaire, un amour vache avec inversion des rôles.
Georg, policier apprécié pour ses qualités humaines et son travail, et Anne forment un couple apparemment harmonieux. Une apparence qui craque très vite dès que le portrait de Anne se précise, à l'occasion des repas familiaux du mercredi, corvée qu'elle impose à sa famille pour des raisons de dépendance financière vis-à-vis de ses parents, mais surtout dès qu'elle se retrouve seule avec elle-même. Anne semble rongée par les frustrations et ne pas s'aimer.
Il suffira alors d'un rien, d'un mot, pour qu'en situation de tête-à-tête avec Georg, d'incontrôlables montées d'adrénaline la poussent à des accès de violence verbales, puis physiques dont son mari sera la victime. « N'en faisons pas un drame », « Ce n'est pas si grave », Georg devrait maintenant savoir qu'à la seule écoute de ce type d'expressions, Anne se déchaînera, ce qu'elle fait immanquablement avec une brutalité irréfrénée. Les excuses, les promesses “d'ivrogne” que Anne fait à George en pansant ses plaies avec tendresse n'y feront rien. La charge recommencera tant que Georg renverra à sa femme cette image d'un être maladroit, dénué de diplomatie, faible, voire même coupable de ce qui lui arrive… ce reflet d'un homme amoureux d'un monstre.


Huis-clos anxiogène, L'Un contre l'autre n'est pas sans rappeler, par ses montées en puissance, l'atmosphère de Festen de Thomas Vinterberg. La caméra scrute avec indiscrétion l'intimité de ses deux protagonistes au plus profond d'eux-mêmes. Un parti-pris jusqu'au-bouttiste servi par une image et des cadrages aussi peu lisses que ce qu'elle donne à voir.
Quant au phénomène de société en lui-même, la spontanéité des rires qui fusent dès la première claque que Georg finit par asséner à sa femme en dit long sur la persistance de certaines mentalités, et sur une salle visiblement soulagée que les choses reprennent enfin leur ordre “naturel”.
Amour, haine, mesquineries, frustrations, mal-être, médiocrité, fantasmes… Jan Bonny dissèque la nature humaine au scalpel en appuyant là où ça fait le plus mal et L'Un contre l'autre, drame familial pas comme les autres, révèle magnifiquement son talent de réalisateur tout autant que de scénariste.

Marie-Jo Astic


1h40 - Allemagne - Scénario : Jan Bonny, Christina Ebelt - Photo : Bernhard Keller - Décors : Tim Pannen - Musique : - - Montage : Stefan Stabenow - Son : Martin Witte - Interprétation : Matthias Brandt, Victoria Trauttmansdorff, Wotan Wilke Möhring.

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