Wall Street : l'argent ne dort jamais
Wall Street: Money Never Sleeps
de Oliver Stone
Sélection officielle
Hors compétition


Sortie en salle : 29 septembre 2010




« Ils vendent la peur, la panique »

En vingt-deux ans, les courtiers sont devenus des traders qui shortent au lieu de vendre à découvert. Le cynisme et la cupidité de la profession, brillamment mis en scène par Wall Street l’original, ont paradoxalement fait des émules, fascinés par la crapulerie du requin Gordon Gekko et les arcanes (le background ?) sordides de la finance mondiale, dont Wall Street : l’argent ne dort jamais permet à Oliver Stone de livrer une mise à jour du mode d’emploi.

Un livre et huit ans de prison plus tard pour délit d’initié (formule d’apparence plutôt aimable pour désigner la fraude, le blanchiment, le racket), Gekko, revient donc, juste à la veille du naufrage économique que devait fatalement engendrer le système, soit du krach boursier de 2008. Ruiné, seul, il est surtout nostalgique du temps béni qui l’avait sacré maître ès manipulation et avide de retrouver sa position de grand illusionniste.

De son côté, le donc jeune trader Jacob Moore (alias Shia LeBeouf, impeccable), passé son euphorie pour avoir fait la fortune de Keller Zabel, assiste impuissant et crispé à l’effondrement de ladite action, à l’OPA que lance la banque d’investissement Schwartz sur l’entreprise et au suicide de son mentor (on note au passage dans le bureau une superbe horloge qui renvoie à Safety Last! d’Harold Lloyd, en un temps où déjà il était question de faire fortune, quelques années avant un certain krach de 1929).

Alors que la Bourse s’affole, Jacob – séduit par sa maestria retrouvée et ses formules lapidaires du genre : « Arrêtez de raconter des mensonges sur moi et j'arrêterai de dire la vérité sur vous. » – va se tourner vers Gekko pour tenter de conjurer le sinistre.

En dépit de quelques métaphores plutôt lourdes – les dominos qui s’entraînent dans leur chute –, Oliver Stone réalise un récit ambitieux, démontre une fois de plus son incontestable savoir-faire et filme New-York de façon magistrale.

Mais voilà, pour l’implacabilité de son propos sur les ravages des caïds de Wall Street, pour lesquels il pousse à une empathie certaine et inappropriée, pour la dénonciation d’un système prédateur qui assimile encore au socialisme le moindre interventionnisme, il vaudra mieux lorgner du côté de Cleveland contre Wall Street ou d’Inside Job.

D’autant – et c’est vraiment là que le bât blesse – que le thriller boursier finit par se résumer à un simple film de divertissement, Oliver Stone faisant justement passer ce propos politico-économique au second plan d’une pathétique histoire de famille. Gekko est seul avons-nous précisé : sa fille Winnie lui reproche vigoureusement d’être ce qu’il est en général et la mort de son frère par overdose en particulier. De plus, cette gentille et naïve écolo faisant mentir le proverbe selon lequel « les chiens ne font pas des chats », a eu la curieuse idée de jeter son dévolu sur Jacob, bad choice introduisant le spectre du père et de ses turpitudes dans son propre mariage.

Le mélo, le pathos et le happy end ont alors radicalement raison de la peinture acerbe du monde financier revendiquée par le réalisateur.

Marie-Jo Astic


2h16 - Etats-Unis - Scénario : Oliver STONE, Allan LOEB, Stanley WEISER - Interprétation : Michael DOUGLAS, Shia LeBEOUF, Josh BROLIN, Charlie SHEEN, Carey MULLIGAN.

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