Hors Satan
de Bruno Dumont
Sélection officielle
Un certain regard



Sortie en salle : 19 octobre 2011




« On a fait qu’est-ce qu’on avait à faire »

À défaut de leçon de français, Bruno Dumont fait, une fois de plus, acte de leçon de cinéma avec option – ou obsession – « cadre », acte d’esthète radical en un pays où toute frontière entre bien et mal est bannie, et, pour ce dernier miracle, acte fantastique entre naturalisme et surnaturel.

L’homme – les personnages n’ont bien sûr ni nom, ni prénom – est en effet une sorte de vagabond illuminé, qui, habité de pouvoirs spirituels et armé d’une carabine, met ses dons principalement au service de la fille et accessoirement à celui d’autres créatures égarées, passant son temps agenouillé face à ce sinistre décor. Car Dumont a beau magnifier les paysages de la côte d’Opale, ceux-ci restent d’une infinie tristesse. Sorte d’horizons perdus qu’il construit comme une cathédrale, sculptée de gargouilles en démons.

La trame dramatique est donnée par les quelques mots murmurés, si rares qu’on peut presque les citer dans leur entier : « J’en peux plus » dit la fille - « Pardonne-moi pour tout le mal qu’il t’a fait… » dit la mère - « J’ai plus de sentiment » dit la fille à l’homme – ou encore « Bon il faut que j’y aille », variante « Je vais y aller » - « Il fait beau » finissent-ils par se dire.

Ni guitare, ni tambourin pour accompagner leur danse, pas de musique donc, pour accompagner les longs plans immobiles, les longs trajets dans les dunes, les longs silences, coupés d’un hurlement aux cieux, d’un exorcisme, d’une résurrection, d’un incendie démoniaque, prétextes à des plans magnifiques où Satan rôde tout autant que l’ennui.

En mode hyper rapproché ou extralarge, nombre de scènes témoignent de l’extrême savoir-faire de Dumont dans la radicalité, mais c’est dans le presque dernier quart d’heure qu’il touche à la grâce, alors que le corps maculé et meurtri de la fille violée (une autre fille que LA fille) reprend vie et glisse dans la mare au diable.

Pour ces quelques secondes d’incontestable beauté et la scène qui les précède, on pardonne au réalisateur le ciel gris, la morne carrière, les marais glauques, les maisons moches (même si les roses trémières et les géraniums font ce qu’ils peuvent), la contrée lugubre et ces personnages accablants tout autant qu’accablés. Bruno Dumont aime-t-il ou déteste-t-il les acteurs pour les égarer ainsi dans les tourments de sa caméra ?

Marie-Jo Astic



1h50 - France - Scénario : Bruno Dumont - Interprétation : David DEWAELE, Alexandra LEMATRE, Aurore BROUTIN.

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