Les crimes de Snowtown
Snowtown
de Justin Kurzel
Semaine internationale de la critique
Mention spéciale du Président



Sortie en salle : 28 décembre 2011




Un reflet de Medusa

Un serpent. Une souris. Un doux festin s’organise et c’est le spectateur qui, broyé dans Snowtown, découvre une catharsis en l’incarnation de John Bunting. Nous sommes d’emblée introduits dans un univers triste ; banlieue australienne, lieu où règnent à la fois misères sociales et violences. Jamie, adolescent de 16 ans tente de vivre une vie paisible avec sa mère et ses frères mais sa tranquillité se découd subitement avec l’arrivée d’un nouveau « père ».

Snowtown, film fondé sur des faits réels, traite de plusieurs thèmes aujourd’hui très abordés, notamment dans cette 64e édition du Festival de Cannes (souvenons-nous de films comme Michael ou même The Slut) : la violence et la pédophilie. Ainsi, en tentant de représenter le plus fidèlement possible un fait divers, Justin Kurzel, déjà présent à la Semaine de la Critique en 2005 pour son court-métrage Blue Tongue, impose au spectateur une image très crue et réelle de la violence et de la brutalité.

Des couleurs ternes à l’image de l’espace, une caméra ne proposant aucune alternative à la barbarie et la cruauté imposées, telles sont les outils du réalisateur pour nous tenir au plus près des événements. Les différents aspects techniques nous témoignent donc de la volonté de l’auteur de « toucher » la sensibilité du spectateur afin de faire passer un message dur et réel. Snowtown est donc un film qui questionne, les rapports humains mais également une des fonctions du cinéma : faut-il montrer ou pas le réel tel qu’il est ?

Outre ces aspects intéressants d’un film dérangeant et innovant, Justin Kurzel nous montre quelques faiblesses quant à la structure même d’un récit « accidenté » ou d’un scénario quelque peu déstructuré. Ce « point faible » peut déranger la vision du spectateur tout au long de l’œuvre.

Le film dérange de par la reflexion qu’il propose du spectateur. Ce dernier voit sa haine la plus profonde (pour les criminels) se manifester et s’incarner en la personne de John Bunting. De fait, le film, de par l’effet qu’il produit sur son public, est une réussite. Par conséquent, nombreuses sont les personnes qui, au milieu du film, déroutées et gênées par une violence exacerbée ont quitté la salle. 

Snowtown incarne un cinéma qui serait une métaphore du bouclier avec lequel se protégeait Persée de Médusa : le reflet d’un réel insoutenable.

Rémy Bastrios
Romaric Siennat

Lycée Pablo Picasso de Perpignan


Un rite de terreur

Dans une banlieue abandonnée d’Australie, Jamie vit avec sa mère et ses deux frères confronté à l’ennui, la violence et la pédophilie. Mais l’arrivée de John Bunting offre l’espoir d’une vie meilleure. Après quelque temps passé ensemble, Jamie découvre que celui qu’il considère déjà comme son père d’adoption est en fait un tueur en série…

Inspiré de ce fait divers, Justin Kurzel a fabriqué Snowtown développant à la fois le thème de la relation père/fils et celui de la violence, nous manipulant de la même manière que John manipule Jamie. Nous plongeons dans un voyage au plus profond de nous-mêmes. Ce film d’une dureté incroyable est à éviter si vous êtes sensible car, ici, on ne craint pas la vue du sang et des viols ! Mais c’est par souci de réalisme face à la société australienne que Kurzel met en œuvre tant de violence cruelle et immorale. La lumière sombre presque sournoise et la musique grave renforcent cet univers sans avenir tout comme cette caméra intimiste nous mettant au cœur de l’action à la limite du voyeurisme. Explorant la psychologie exceptionnelle de ses personnages, le réalisateur nous demande alors : qu’est-ce qui est vraiment juste et acceptable ? C’est parce que John a sa morale personnelle, homophobe et psychopathe, qu’il cherche à transformer Jamie en un tueur vengeur. S’ensuit alors un rite initiatique insupportable subi par Jamie passant par le meurtre d’un ami puis de son frère et finalement d’un simple innocent. Nous partageons alors les mêmes dilemmes et souffrances que lui. C’est ici que le travail des acteurs entre en jeu. Lucas Pittaway (Jamie) et Daniel Henshall (John) sont simplement brillants nous emportant dans leurs tourments avec un réalisme à couper le souffle.

Kurzel nous offre une expérience gênante voire traumatisante pour certains. Ce film est une œuvre majeure du cinéma australien développant la violence, la souffrance et la noirceur de cette Australie contemporaine. Snowtown, sans concessions, est une réussite même s’il est à la limite de l’acceptable en termes d’image.

Robin Vial-Pradel
Lycée Estienne d’Orves de Nice


La tradition australienne

John Bunting, un ami qui vous veut du bien ? Il semblerait que non. C’est de l’histoire de ce tueur en série australien que s’est fortement inspiré Justin Kurzel dans son premier long-métrage. En effet, Snowtown se concentre sur la vie de Jamie, un jeune homme fragile et victime sexuelle, qui croise un jour la route du « charmant » John Bunting qu’il ne quittera plus.

Un quartier délaissé, sale, agité, aux couleurs ternes et au décor de ferrailles, de crasse et de bibelots entassés. Des habitants débraillés, sans charme et sans âme. C’est dans cet environnement sordide que l’histoire commence d’ores et déjà teintée d’un malaise et d’une instabilité des personnages qui ne cessera pas. L’arrivée de John Bunting et de sa bonne humeur va, durant quelques instants, éclaircir ce tableau lugubre. Quelques instants seulement avant d’enfermer Jamie et l’ambiance du film dans les profondeurs de l’horreur. Attitude changeante, rictus permanent, John Bunting va entraîner l’adolescent dans ses délires sadiques et meurtriers, se rendant juge du monde qui l’entoure. Les paysages typiquement australiens bruts et infinis, les musiques percutantes, la convivialité tranquille du groupe de tueurs donnent une impression d’absence de contrôle, de perte de repères et de sens. Les scènes de torture filmées avec précision et impudeur sous le regard impénétrable du jeune Jamie rendent le spectacle inacceptable et insupportable au public.

Une certaine imprécision autour des faits et des personnages peut cependant créer une confusion dans le suivi de l’histoire.

Torture du spectateur, ce film nauséeux nous pose la question de sa raison d’être. Réaffirmer l’horreur de tels crimes ? Remettre en lumières les incertitudes qui entourent la conscience humaine ? Poser le jeune Jamie en victime de sa condition sociale?

Ce qui reste sûr, c’est que la réalité du fait divers rend le malaise du spectateur aussi vif et ravageur que ses protagonistes, aujourd’hui emprisonnés.

Manon Chauvel
Audrey Yaker

Lycée Clémenceau de Nantes


Tuer pour initier

Bienvenue à Snowtown, capitale du meurtre et de la pédophilie, où Jamie, 16 ans, subit abus, violence et leçons de crime, tout cela en gardant un calme extérieur anormal. Le spectateur, du même coup, reçoit cette éducation à la barbarie et assiste au massacre de plusieurs habitants du village. Et aussi bien que l'adolescent souillé, il ne supporte pas.

L'univers de débauche installé est repoussant, inspire même la pitié, et reporte le contexte dans lequel le fait divers a eu lieu. L'image, grise et bleue, renvoie à la froideur des âmes; la musique, elle, accélère le rythme cardiaque, avec des intermèdes assimilables à un pouls essoufflé.

Le quotidien est ainsi imprégné de cette brutalité à chaque fois justifiée, habitant aussi bien les hommes du village que les femmes ou les enfants.

Dans la première heure, la violence est suggérée : une certaine pression est installée par la minimisation de l'importance de la vie et par l'intériorisation de Jamie. L'action de tuer constitue en fait un jeu : « Trop drôle! je t'ai tué », et l'on s'amuse à table d'inventer des scénarios de torture. Lucas Pittaway, avec sa manière remarquable d'incarner la victime terrifiée, celle qui encaisse gentiment les « coups » sans ne jamais réagir, met en place la brutalité morale. Sa passivité devant la réduction en charogne de ses proches agace, et l'attente d'une réaction de sa part oblige à perdurer dans la salle, malgré l'insoutenable cruauté du film.

La scène centrale marque la rupture entre violence subtile et violence dénudée, et fait basculer Les Crimes de Snowtown dans le genre de film horreur où la chair n'est plus que simplement évoquée mais clairement exploitée. La barbarie sans retenue, cumulée à l'expression horrifiée de Jamie, qui est en fait la nôtre, indispose et remue même. Tout ce sang était-il vraiment nécessaire ?

Par ailleurs, l'initiation du garçon par John, son « beau-père », excède. L'idée de « tuer pour initier » ressort à de nombreuses reprises et la formation à la barbarie dérange: le spectateur s'énerve de ne pas pouvoir intervenir dans l'éducation révoltante des enfants.

Finalement, la thèse des Crimes de Snowtown n'est autre que la reproduction sociale. À force de baigner dans cette mare de sang sur Snowtown, les habitants n'ont d'autre destin que celui de leurs proches.

Salomé Chauveau
Lycée Savary de Mauléon des Sables d'Olonne




2h00 - Australie - Scénario : Justin KURZEL, Shaun GRANT - Interprétation : Daniel HENSHALL, Lucas PITTAWAY, Louise HARRIS.

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