Cogan : Killing them softly
Killing them softly
de Andrew Dominik
Sélection officielle
En compétition



Sortie en salle : 5 décembre 2012




« L'Amérique n'est pas un pays, c'est un business »

Après le succès critique et public de L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, on attendait avec impatience ce nouveau film de Andrew Dominic, qui permet à Brad Pitt de retrouver un autre bon rôle de maturité. Il incarne ici Jackie Cogan, homme de main commandité par des caïds de la pègre et chargé d'enquêter sur une partie de poker truquée qui risque de déclencher une nouvelle guerre des gangs. Le cinéaste est fidèle à ses plans longs, préférant privilégier la tension dramatique étirée à la profusion des explosions, poursuites et effets spéciaux caractéristiques du genre. Le film est également très axé sur des dialogues, permettant de mettre en relief les traits de caractère des protagonistes et les diverses manipulations qui jalonnent la narration. On est certes loin de la profusion verbale et de la richesse de L'affaire Cicéron de Mankiewicz mais Andrew Dominik se montre virtuose de l'écriture et du bon mot. Une réplique sur le rapport des Américains à l'argent entre désormais dans l'anthologie des dialogues cultes du cinéma. L'arrière-fond politique du récit (des écrans de télévision et des radios évoquent la course à la Maison-Blanche) en est d'ailleurs un des meilleurs éléments, créant un décalage subtil dans une histoire essentiellement marquée par les motivations individualistes de personnages déconnectés de toute appartenance communautaire.

Il règne sur Cogan la même ambiance suffocante et tragique déjà à l'œuvre dans Jesse James, et qui culmine dans un long affrontement verbal entre Brad Pitt et Richard Jenkins, acteur solide déjà remarqué dans The Visitor et La cabane dans les bois.

Reste que le dispositif du film laisse sur sa faim et que le réalisateur a du mal à dépasser la simple référence à des auteurs qui ont déjà abordé cette thématique et adopté ce style. Ce n'est pas pour rien que Cogan a été coproduit par Megan Ellison, la fille du fondateur d'Oracle, dont la société, Annapurna Pictures, avait été associée à True Grit des frères Coen. Et depuis Reservoir Dogs et Pulp fiction, la caméra de Tarantino avait déjà exploré cette veine de la dérision et de la narration à double lecture. Dominik n'oublie pas non plus son petit Scorsese illustré, le tabassage de Ray Liotta pouvant être apprécié comme un hommage aux Affranchis mais aussi au sale quart d'heure passé par Joe Pesci dans Casino. Cette violence gratuite et ostensible finit d'ailleurs par lasser, surtout lorsque le festivalier vient juste de se coltiner les gueules endommagées et cabossées des Hommes sans loi. On ressort donc avec une impression mitigée de la projection de cette mort en douce, en espérant que le réalisateur ne se fasse pas broyer par Hollywood et n'y perde pas son âme.

Gérard Crespo

 

 

 


1h40 - Etats-Unis - Scénario : Andrew DOMINIK, d'après le roman de George V. Higgins - Interprétation : Brad PITT, Sam ROCKWELL, Richard JENKINS, James GANDOLFINI, Javier BARDEM, Mark RUFFALO, Ray LIOTTA.

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