Bande de filles
de Céline Sciamma
Quinzaine des Réalisateurs
Ouverture


Sortie en salle : 22 octobre 2014




« Tu es véner ? » « Ouais, et alors ? »

Troisième long métrage de Céline Sciamma, Bande de filles, sur une trame vaguement autobiographique, confirme l'originalité et la sensibilité de la réalisatrice, décidément très inspirée par les thèmes de l'enfance et l'adolescence. Marieme (Karidja Touré), la protagoniste, suit une trajectoire comparable à celle des jeunes filles de Naissance des pieuvres et de la petite Laure dans Tomboy. Il s'agit donc d'un nouveau récit d'initiation et d'affirmation de personnalité, à un âge où les transformations physiques vont de pair avec une construction parfois tourmentée des choix de vie.

Marieme, seize ans, est de milieu défavorisé. Elle vit avec sa famille d'origine africaine dans une banlieue parisienne. Harcelée par son frère aîné, qui surveille chacun de ses actes, elle refuse de suivre le parcours de sa mère, agent d'entretien dans un grand hôtel, et ne trouve de réconfort affectif qu'auprès de ses petites sœurs et du meilleur ami de son frère, avec qui elle flirte depuis quelque temps. Quand elle apprend qu'elle n'est pas admise en seconde générale, Marieme prend une grande claque. C'est alors qu'elle fait connaissance de trois filles délurées et ostensiblement space qui vont bouleverser son existence... En dépit de son ancrage sociologique marqué, Bande de filles ne cherche pas à s'inscrire dans la veine du « film de banlieue », qui de Mehdi Charef à Philippe Faucon a marqué le cinéma français depuis près de trente ans. On y trouve pourtant tous les ingrédients :

décor naturel de cité, langage verlan, description d'un déterminisme social à travers la manifestation de l'impuissance scolaire (la CPE qui annonce l'orientation filmée hors-champ), ou l'influence du trafic de drogue. Mineure, sans diplôme, black et appartenant à la classe populaire, Marieme (rebaptisée Vic par ses copines) doit affronter l'oppression d'un microcosme patriarcal tout en tentant de retarder le destin qui semble la conditionner. Bandes de filles échappe également, et heureusement, à une autre tendance du cinéma français, qui de Black mic-mac à Intouchables occulte la question du racisme en misant sur les bons sentiments et la sympathie envers des personnages dont on surligne l'exotisme et le pittoresque. L'essentiel de Bandes de filles est ailleurs : dans ces ruptures de ton et ce mélange des genres qui font dévier le récit du teen movie au polar, du drame familial au documentaire, avec ce style épuré et gracieux (dans le bon sens du terme) qui caractérise l'art de Sciamma.

Des déhanchements d'adolescentes sur Diamonds de Rihanna à une danse de réconfort puis d'agression sur le toit d'un immeuble, en passant par des combats dénotant « la fureur de vivre », Bandes de filles éblouit par sa construction subtile et son montage cohérent, à l'image de ces fondus au noir qui clôturent des passages emblématiques. Les interprètes, dirigés à la perfection, sont tous non professionnels. Mais on peut miser sur l'avenir de Karidja Touré dont le naturel et l'acuité de jeu font espérer un beau parcours de cinéma.

Gérard Crespo

 

 


1h52 - France - Scénario : Céline SCIAMMA - Interprétation : Karidja TOURÉ, Assa SYLLA, Lindsay KARAMOH, Mariétou TOURÉ, Tatiana ROJO, Djibril GUEYE, Damien CHAPELLE.

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