Le Hasard
Przypadek
Krzysztof Kieslowski
Sélection officielle
Cannes Classics








Le destin et la liberté

Witek Dlugosz est un jeune homme de vingt-quatre ans. Il cherche sa voie, bien que celle-ci soit en partie imposée par le poids des traditions familiales et la volonté de son père. Il entreprend des études de médecine sans véritable conviction. À la mort de son père, il interrompt ses études, peut-être pour les reprendre par la suite, mais plus certainement pour connaître dans l’immédiat le hasard d’une autre vie. Il se rend à la gare, ignorant que son destin dépend peut-être du train après lequel il court...

Réalisé en 1981, Le Hasard fut victime de la censure en vigueur après le coup d'État de Jaruzelski et resta six ans dans les tiroirs. Il ne plut pas aux autorités de voir le récit d'un jeune homme hésitant entre plusieurs idéologies, quitte à n'en choisir aucune... L'œuvre de Kieslowski n'est pourtant que partiellement politique. Le cinéaste a fait le choix de trois films en un, avec pour point de départ la course de Witek pour essayer d'attraper son train.

Trois parties. Trois hypothèses. Si Witek monte dans le train, il y rencontre Werner (Tadeusz Lomniki, acteur de Wajda). Ce dernier est un cadre du Parti et le jeune homme « en réserve d'études » tente de trouver sa place dans la politique. Si Witek rate son train et bouscule le chef de gare, il est arrêté et condamné à des travaux d'intérêt général, ce qui lui permettra de se lier à des opposants et des catholiques. Si Witek arrive après le départ du train mais qu'il n'y a aucun trouble à la gare, il retourne à la faculté pour faire carrière dans la médecine. Une même séquence est filmée trois fois : Witek prend son billet pour Varsovie au guichet et se précipite sur le quai de la gare, après avoir bousculé des usagers, la musique de Wojciech Kilar surlignant le caractère décisif de cet instant.

Au sein de chaque segment, Witek retrouve trois femmes différentes et suit un parcours spécifique, mais quelques personnages traversent tout le film, à l'image de l'employée d'aéroport qui doit lui délivrer un billet à destination de Paris.

Le Hasard frappe par la singularité de sa narration, qui sera reprise, sur un mode plus ludique, par Alain Resnais dans Smoking et No smoking. Kieslowski a souhaité montré que le poids de la destinée (ou déterminisme social et politique) était certes considérable mais que le hasard et surtout le libre arbitre avaient un poids majeur dans l'existence des individus. En tant qu'artiste, et de surcroît dans un pays totalitaire, Kieslowski voulait montrer sa foi dans le libre choix des acteurs sociaux... On comprend dès lors les réticences des autorités face au film... En même temps, Le Hasard anticipe les œuvres à venir du cinéaste, ne serait-ce que par cette idée de scénario découpé en trois volets. On songe surtout à Trois couleurs : Bleu, Blanc, Rouge, sa trilogie qui réunira également plusieurs protagonistes autour d'un accident à un moment crucial de l'histoire. En 1987, Le Hasard fut enfin montré au public et triompha au Festival du Film polonais où Kieslowski et son acteur Boguslaw Linda furent primés. La même année, Le Hasard fut projeté au Festival de Cannes et le nom de son réalisateur attira l'attention des distributeurs français. C'est le même Festival de Cannes qui a pris l'initiative de présenter une version restaurée du film, dans sa sélection de Cannes Classics 2014. La restauration numérique a été réalisée en 2K et l'étalonnage supervisé par Krzysztof Pakulski, le directeur de la photographie. La restauration de l'image et du son a été effectuée dans le cadre du projet KINO RP qui vise à regrouper des sociétés fournissant un service numérique sur la chaîne de postproduction.

Gérard Crespo



 

 


1981/1987 - 1h57 - Pologne - Scénario : Krzysztof KESLOWSKI - Interprétation : Boguslaw LINDA, Tadeusz LOMNICKI, Zbigniew ZAPASIEWICZ, Boguslawa PAWELEC, Marczena TRYBALA, Zygmunt HUBNER.

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