Of Men and War
Des hommes et de la guerre
de Laurent Bécue-Renard
Sélection officielle
Séance spéciale



Sortie en salle : 22 octobre 2014




« Ils auraient pu s'appeler Ulysse... »

Diplômé de l'Institut d'Études Politiques et ancien étudiant de l'Essec, Laurent Bécue-Renard avait été journaliste de guerre à Sarajevo avant de réaliser De guerres lasses (2001). Ce premier volet d'une trilogie intitulée Une généalogie de la colère donnait la parole à des femmes bosniaques qui témoignaient devant la caméra de leurs souffrances pendant et après le conflit. Of Men and War (Des hommes et de la guerre) est la seconde partie de ce projet.

Le réalisateur a suivi de 2008 à 2013 Justin, Brooks, Steve et autres anciens soldats de la guerre en Irak. Durant un an, il a vécu auprès d'eux au Pathway Home, une association fondée par le thérapeute Fred Gusman, un ancien du Vietnam qui a souhaité aider les militaires atteints du « syndrome de stress post-traumatique ». Le cinéaste a ensuite filmé des séances de psychothérapie de groupe, tout en suivant les protagonistes dans leur entourage familial. Le documentaire est passionnant à plus d'un titre. Il bouscule les représentations généralement associées au militaire sur le front, et particulièrement au cinéma. Des films de guerre patriotiques (Le Jour le plus long) aux films proposant une vision critique (d'À l'ouest rien nouveau à Johnny s'en va-t-en guerre en passant par Les Croix de bois), les cinéastes ont souvent donné une image héroïque des combattants, au-delà des horreurs qui ont pu être plus ou moins explicitement montrées.

Si des corps mutilés ont pu être vus dans Il faut sauver le soldat Ryan, on restait toutefois dans le domaine de la reconstitution.

Of Men and War ne propose aucune image d'archives de violence et de sang, mais laisse s'exprimer douze guerriers rentrés du front sains et saufs mais intérieurement détruits. Si la perte de la vue ou un grave problème de vertèbres ont pu être des séquelles pour certains d'entre eux, la blessure est surtout au niveau de l'esprit, tant les réminiscences du champ de bataille ont occasionné un traumatisme flagrant. C'est le souvenir d'une balle perdue qui a touché un ami à la tête, ou celui d'une fillette tuée à la suite d'une porte défoncée. Sans utiliser les procédés racoleurs de la télé-réalité, Laurent Bécue-Renard fait entendre des mots sur l'indicible. En même temps, il a conscience que la caméra fait partie du dispositif thérapeutique, d'autant plus que les visages seront vus et les témoignages entendus par l'entourage des patients mais aussi le public de cinéma. Of Men and War propose alors une mise en abyme troublante, au-delà d'une thématique que la fiction n'avait véritablement traitée que dans de rares films, dont l'excellent Les Plus belles années de notre vie (William Wyler, 1946). « De toute évidence, ce qui dure le plus longtemps dans la guerre, c'est l'après-guerre », a déclaré le cinéaste. Au-delà de sa poignante humanité et des problèmes qu'il soulève, son documentaire restera comme l'un des meilleurs du genre.

Gérard Crespo


 

 


2h20 - France, Suisse - Documentaire

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