Les Ponts de Sarajevo
de Aida Begic, Leonardo DiCostanzo, Jean-Luc Godard, Kamen Kalev, Isild Le Besco, Sergei Loznitsa, Vincenzo Marra, Ursula Meier, Vladimir Perisic, Cristi Puiu, Marc Recha, Angela Schanelec, Teresa Villaverde
Sélection officielle
Séance spéciale



Sortie en salle : 16 juillet 2014



«  Tu n'as rien vu de Sarajevo... »

À travers la vision de treize cinéastes européens, le film souhaite explorer « ce que Sarajevo représente dans l’histoire européenne depuis un siècle et de ce qu’elle incarne dans l'Europe d’aujourd’hui » (dossier de presse). Les réalisateurs associés sont de plusieurs pays et de générations diverses. Les tâcherons ont été occultés au profit de créateurs caractérisés par une écriture et un regard personnels. Cristi Puiu (La Mort de Dante Lazarescu) côtoie ainsi Marc Recha (Pau et son frère) ou Sergei Loznitsa, qui ne renouvelle pas ici la maîtrise déployée dans son documentaire Maïdan.

Film de commande au résultat forcément inégal, Les Ponts de Sarajevo fait partie de ces projets mêlant cinéphilie et citoyenneté, devoir de mémoire et création artistique. Sur le papier, la liste des réalisateurs et la thématique font penser à la production de 11'09''01 (2002), suite de segments qui avait mobilisé la participation de Chahine, Imamura, Lelouch ou Loach. On pourra aussi rattacher cette affiche de réalisateurs prestigieux à celle de 7 jours à la Havane, dont la portée était cependant bien moins politique et historique. Mais Les Ponts de Sarajevo pourra déconcerter par son absence de didactisme, la confusion de ses repères historiques et l'affirmation de tics d'auteurs casant leur nombrilisme au sein d'une structure politiquement correcte. Un peu comme ces spectacles parrainés par Amnesty International, dont on ose à peine évoquer la fadeur et les envolées lyriques dérisoires, et ce au nom de la noblesse de la cause défendue.

Mais cela vaut surtout pour les épisodes les plus faibles, tel le film de Kamen Kalev, qui signe la partie la plus illustrative, avec une reconstitution convenue de l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand. Cela ne s'arrange pas avec l'inspiration de Teresa Villaverde ou Angela Schanelec, déjà auteure de l'inénarrable Des places dans les villes. Et ne parlons pas de Jean-Luc Godard, qui par ses psalmodies ampoulées réussit à dépasser l'inanité et l'emphase d'Adieu au langage. On préférera les subtiles variations sur l'enfance et l'âge adulte qui apparaissent au détour de séquences filmées par Isild Le Besco, Ursula Meier (Home), ou Aida Begic, native de Sarajevo, sans doute davantage impliquée par le projet, et à qui on devait les touchants Premières neiges et Djeca - Enfants de Sarajevo.

L'ensemble séduit certes par son montage général, les différents regards étant reliés par des « ponts » d’animation signés Schuiten et Matta Almeida. Noir et blanc et couleur, documentaire et fiction, chants et silences, ellipses narratives ou style contemplatif alternent au gré de l'inspiration des différents cinéastes. La beauté formelle de l'œuvre (qui culmine avec l'émouvante rencontre d'un enfant footballeur et d'une femme dans un cimetière) finit par compenser un propos un peu vide sur la mémoire de Sarajevo, ville ô combien chargée d'Histoire, de sa création par les Ottomans en 1461 à son siège par les forces serbes (1992-1995), en passant par l'événement catalyseur de la Première Guerre mondiale. Le grand film sur Sarajevo reste à faire...

Gérard Crespo


 

 


1h50 - Serbie, Russie, France, Bulgarie, Suisse, Allemagne, Espagne, Italie - Interprétation : Bogdan NIKOVIC, Fedja STAMENKOVIC, Andrej IVANCIC, Nikola BRKOVIC, Mihailo KOVIC.

ACCUEIL

RETOUR A LA LISTE DES FILMS