Nahid
de Ida Panahandeh
Sélection officielle
Un Certain Regard

Prix de l'avenir


Sortie en salle : 24 février 2016





Après la séparation

Nahid, jeune divorcée, vit seule avec son fils de dix ans dans une petite ville au bord de la mer Caspienne. Selon la tradition iranienne, la garde de l’enfant revient au père mais ce dernier a accepté de la céder à son ex-épouse à condition qu'elle ne se remarie pas. La rencontre de Nahid avec un nouvel homme qui l'aime passionnément et veut l’épouser va bouleverser sa vie de femme et de mère...

Il s'agit du premier long métrage d'Ida Panahandeh, formée à l'Université des Arts de Téhéran, diplômée en réalisation et photographie, et auteure de plusieurs courts métrages et téléfilms primés. Le scénario évoque par sa thématique féministe et familiale le cinéma de Jafar Panahi (Une séparation, Un passé), le choix de la lumineuse actrice Sarah Bayat confortant la comparaison. Prise au piège d'un système patriarcal, Nahid est écartelée entre son amour maternel et l'attachement qu'elle éprouve envers le nouvel homme de sa vie. Si le film est passionnant dans sa description des normes juridiques et sociales iraniennes (le mariage temporaire, l'autorité de la fratrie), il s'éloigne de la veine documentaire et naturaliste sans s'aventurer pourtant sur la pente du mélodrame. On appréciera l'élégance avec laquelle la réalisatrice se refuse à tout excès sentimental, même si de nombreux passages s'y prêtaient, à l'instar de la séquence où le pitoyable ex-mari vient harceler Nahid qui tient entre les mains un inquiétant couteau de cuisine.

Même si son portrait de femme l'inscrit dans toute une tendance du cinéma iranien, du Jafar Panahi de Ten au Moshen Makhmalbaf de Kandahar, c'est plutôt aux univers d'autres maîtres du grand écran que fait songer l'art d'Ida Panahandeh, les problèmes de communication des personnages faisant écho aux tourments des protagonistes de L'Avventura d'Antonioni ou Winter Sleep de Ceylan. On appréciera aussi les ambiguïtés de Nahid, ses mensonges et compromissions l'éloignant de l'archétype de Mater Dolorosa pour en faire une lointaine cousine de la Madame de... d'Ophuls. Ces références sont loin d'occulter l'originalité de style de la jeune artiste qui excelle à saisir le mal-être de personnages à la dérive, par une mise en scène alternant dialogues explicatifs et non-dits éloquents, et qui insère avec bonheur des séquences vidéo filmées par des caméras de surveillance, procédé certes déjà utilisé, et notamment par Andrea Arnold dans Red Road. « Chacun des personnages, en fonction de sa personnalité, de sa façon d’être et de penser, nécessitait un style visuel propre. Le contraste entre leurs intérieurs chaleureux ou froids permettait de les caractériser. Par ailleurs, la vie tumultueuse de Nahid ne pouvait pas être filmée d’une façon unique, en plan fixe, en caméra portée ou en travelling. Il fallait au contraire une combinaison de ces styles pour rendre compte de cette atmosphère tendue », a déclaré la cinéaste. Il en ressort une œuvre d'une grâce poétique et d'une maîtrise étonnante, loin des maladresses nombrilistes de nombreux premiers films.

Gérard Crespo

 



 

 


1h44 - Iran - Scénario : Ida PANAHANDEH, Arsalan AMIRI - Interprétation : Sareh BAYAT, Pejman BAZEGHI, Navid MOHAMMADZADEH.

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