O Ka
Notre maison
de Souleymane Cissé
Sélection officielle
Séance spéciale



Sortie en salle : 6 septembre 2017




« Il n'y a pas de plus grande détresse qu'un homme impuissant devant l'injustice. »

Le film est dédié à Andrée Davanture (1933-2014), monteuse qui collabora pendant des années avec Souleymane Cissé. Ce dernier peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes de son continent, de l’importance d’Ousmane Sembene (La Noire de...), Idrissa Ouedraogo (Tilaï) et Abderrahmane Sissako (Timbuktu). De celui qui est désormais le doyen du cinéma africain, les cinéphiles connaissent surtout Le Vent (1982), chronique de la révolte des étudiants maliens face au pouvoir militaire ; et Yeelen/La Lumière (1987), œuvre initiatique sur le chemin difficile d’un enfant pour atteindre l’âge adulte, et qui avait obtenu le Prix du Jury au Festival de Cannes. O Ka est un peu la synthèse de son art, par sa combinaison de dénonciation politique, d’allégorie sur le sens de la vie, de psalmodies incantatoires, et de montage mettant en relief les communautés humaines autant que la présence permanente de la nature. Cissé tient aussi à mettre sur le même plan le passé, le présent et les perspectives à la fois personnelles et collectives. Ainsi, O Ka est certes l’évocation (non linéaire) de l’histoire des Cissé, l’une des plus anciennes familles maliennes, depuis la naissance du réalisateur dans un milieu pauvre de Bamako, jusqu’à l’expropriation dont sont victimes ses vieilles sœurs, à la suite des agissements d’un clan de mafieux proches du pouvoir. Le drame individuel et familial se situe dans un contexte de spéculation immobilière et de marchandisation d’anciens quartiers populaires.

Ce versant autobiographique est complété par des extraits de films du cinéaste, et en particulier Yeelen, insérés avec subtilité dans le dispositif. Mais les déboires personnels qu’il a connus depuis 2008 sont pour Cissé une manière d’établir la jonction avec le sort de ses compatriotes, victimes depuis des décennies d’une justice à deux vitesses, des ravages de la corruption et d’une atteinte fondamentale à la dignité la plus élémentaire. Aussi, quand des malheureuses sont expulsées sans ménagement malgré la présence d’une caméra bien visible, la symbolique de la violence est manifeste, et c’est l’humiliation de tout un peuple qui rejaillit. Comme le souligne le scénariste Thomas Wallon dans le dossier de presse, « l’horizon d’O Ka, ce ne sont pas ces murs de Bozola même ancestraux et chargés d’histoire, ce n’est pas une famille, aussi exemplaire soit-elle. Le film refuse de se focaliser sur une question personnelle. Malgré la douleur du droit bafoué, O Ka porte son regard sur l’avenir et veut délivrer un message d’espoir. » Le réalisateur n’évite pourtant pas le pathos et certains procédés simplistes, dont des écueils à la Michael Moore. Mais sa maîtrise du cadrage et son sens du filmage sont intacts, et le film est porté par une véritable foi en l’humanité. Présenté en séance spéciale au Festival de Cannes 2015, le documentaire a été légèrement actualisé suite à de récentes décisions de justice.

Gérard Crespo

 



 

 


1h50 - Mali - Documentaire - Production : Les Films Cissé.

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