Je suis le peuple
de Anna Roussillon
Acid


Sortie en salle : 13 janvier 2016




Politique, révolution et démocratie

Alors que le peuple égyptien se soulève place Tahrir, les villageois des campagnes du Sud suivent la révolution sur leurs écrans de télévision. Du renversement de Moubarak à l’élection et la chute de Morsi, le film suit ces bouleversements du point de vue de Farraj, un paysan de la vallée de Louxor. 

Je suis le peuple est le premier long métrage documentaire de la réalisatrice Anna Roussillon, née à Beyrouth en 1980, qui a grandi au Caire avant de s’installer à Paris. C’est en 2009, au détour d’un champ, qu’elle a rencontré le témoin principal du film qu’elle a décidé de faire, dans un petit village à 700 km de la capitale égyptienne, près de Louxor. Et puis, la révolution a éclaté en 2011, changeant quelque peu le sujet de son œuvre qui ambitionne de nous faire vivre les soubresauts de la politique égyptienne à travers le regard des villageois des campagnes du Sud. Le résultat est à la hauteur des ambitions affichées. C’est d’abord une histoire d’amitié, une complicité, entre Farraj, le paysan, et elle-même, que met en scène Anna Roussillon, avec beaucoup de tendresse et d’humilité. Mais son film est aussi et surtout très politique, suivant tous les événements (du renversement de Moubarak à l’élection et à la chute de Morsi) avec un certain recul, celui induit par l’espace géographique. Dans le village, la politique est omniprésente et face à la caméra, on n’hésite pas à donner son sentiment, son avis quitte à se contredire parfois (les soutiens aux régimes évoluent aussi vite que les événements se bousculent !).

Souvent, c’est la réalisatrice, très présente (mais absente de l’écran), qui provoque le débat. Ces villageois sont de vrais révolutionnaires, cela ne fait aucun doute. Ce vent de liberté les touche aussi, mais, c’est le paradoxe, rien ne semble changer dans leur quotidien, rythmé par le travail agricole. La révolution est à la fois très proche et très loin. Les événements se succèdent mais ne semblent pas atteindre la campagne. Les espoirs et les envies de changements sont bien là, mais aussi, les doutes et le fatalisme d’une situation qui de toute façon leur échappe et dont ils ne semblent être que les spectateurs, au sens propre comme au sens figuré. Car, s’ils ne vivent pas directement cette révolution, les villageois en sont des spectateurs assidus, grâce à un vieux poste de télévision, avec au préalable l’installation sur le toit d’une parabole.

Ce documentaire est un grand film, humaniste et généreux, lucide et terrible dans le constat qu’il dresse. Il est construit presque comme un huis-clos (on ne sort que rarement du village, des champs et des maisons). Pour nous Occidentaux, il constitue en outre une très belle leçon de politique, et une belle réflexion sur la révolution et le concept de démocratie.

Xavier Affre

 



 

 


1h51 - France - Documentaire

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