La Tête haute
de Emmanuelle Bercot
Sélection officielle
Hors compétition (Ouverture)



Sortie en salle : 13 mai 2015




L'ado sauvage

Après Elle s'en va, qui narrait les déboires d'une femme vieillissante, Emmanuelle Bercot se penche sur une autre tranche d'âge avec ce nouveau long métrage centré sur le parcours d'un adolescent délinquant. Malony est plus ou moins abandonné à l'âge de six ans par Séverine, sa jeune mère (Sara Forestier), larguée et immature. Une juge pour enfant bienveillante mais ferme (Catherine Deneuve) le place alors dans une famille d'accueil. Une ellipse de dix ans permet de retrouver les protagonistes, quand Malony comparaît à nouveau pour plusieurs larcins, non sans avoir aggravé son cas après avoir agressé son éducateur. Et c'est maintenant Yann (Benoît Magimel) qui a pour mission de faciliter la réintégration du jeune homme. Basé sur des faits dont la réalisatrice a été le témoin, La Tête haute frappe par son efficacité narrative, autant que par l'originalité de sa démarche semi-documentaire. Sans doute marquée par Polisse de Maïwenn, dont elle fut la coscénariste et l'une des interprètes, Emmanuelle Bercot a effectué un stage au Tribunal pour Enfants de Paris pour les besoins de son script, tout en veillant à ne pas tomber dans une veine naturaliste. Il y a ainsi de belles envolées lyriques dans La Tête haute, de l'idylle entre Malony et la fille d'une éducatrice à l'enlèvement du petit frère afin de passer Noël en famille. Le montage est éblouissant, et la réalisatrice est à son meilleur dans les scènes de disputes et tensions, retrouvant la force du cinéma d'un Pialat.

« Le message que porte le film est que si l'éducation n'est pas assurée par les parents, il revient à la société de l'assumer », a déclaré la cinéaste. D'aucuns ont jugé moralisatrice sa posture, d'autant plus que la seule alternative à l'existence de Malony semble une vie familiale et de couple très normative, sans compromis possible entre la révolte de la jeunesse et un conformisme non revendicatif. Ces reproches ne semblent pas fondés, tant le récit est avant tout celui d'une initiation et d'une transformation, dans la lignée de la vision du Truffaut de L'Enfant sauvage. Car La Tête haute est l'un des meilleurs films français sur la jeunesse désœuvrée, qui trouvera très vite sa place de classique du genre, quelque part entre Les 400 coups et Sans toit ni loi, sans oublier les modèles anglais signés Loach (My Sweet Sixteen).

Pour son premier rôle au cinéma, le jeune Rod Paradot, repéré dans un lycée professionnel, crève littéralement l'écran, et a été l'une des révélations masculines du Festival, avec Quentin Dolmaire dans Trois souvenirs de ma jeunesse. Loin de la débâcle de Grace de Monaco l'an passé, La Tête haute a donc été une ouverture de Festival réussie, et confirme par ailleurs qu'Emmanuelle Bercot est plus à l'aise derrière que devant la caméra.

Gérard Crespo


2h - France - Scénario : Emmanuelle BERCOT, Marcia ROMANO - Interprétation : Rod PARADOT, Catherine DENEUVE, Sara FORESTIER, Benoît MAGIMEL, Raoul FERNANDEZ, Ludovic BERTILLHOT, Diane ROUXEL

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