Exil
de Rithy Panh
Sélection officielle
Hors compétition

Séance spéciale







Montrer l’indicible

Ce nouveau long métrage documentaire de Rithy Panh fut l’un des sommets de cette édition cannoise. Il s’inscrit dans le travail de mémoire qu’accomplit depuis la fin des années 80 le cinéaste cambodgien sur son pays et en particulier sur le génocide des Khmers rouges, entre 1975 et 1979. S21, la machine de mort Khmère rouge, Duch, le maître des forges, ou encore L’Image manquante constituaient des œuvres de référence en la matière.
Avec Exil, Rithy Panh poursuit donc l’exploration de cette sombre période historique tout en se renouvelant dans le fond et la forme. Il réussit, dans une symphonie d’images et de sons, à mêler l’intime, son histoire personnelle, à l’universel, une réflexion globale sur l’exil, la douleur de la perte et de l’absence, la solitude intérieure. Né à Phnom Penh en 1964, Rithy Panh a perdu ses parents et une partie de sa famille dans les camps de travaux khmers rouges, avant de  s’exiler en France en 1979. Cette douleur qui inonde le film est la sienne mais aussi celle de tout exilé, obligé de quitter sa terre natale. Les scènes intimes sont parmi les plus belles vues à Cannes cette année : il est, par exemple, bien difficile de retenir ses larmes lorsque Rithy Panh évoque le souvenir de sa mère disparue.

Jouant de la métaphore, le dispositif est simple mais d’une puissance et d’une beauté incroyables :

Rithy Panh film un jeune homme (lui-même) dans une cabane dont le décor change au gré des situations, grâce à des effets spéciaux rappelant le cinéma primitif (végétation, oiseaux, nuages, nid géant, apparition de la lune…). Dans cette œuvre bouleversante et poétique qui exalte l’imaginaire contre la barbarie, le cinéaste réussit le pari de montrer l’indicible, de faire ressentir aux spectateurs ce qu’il est souvent difficile d’écrire avec des mots. Il faut également souligner la musique sublime qui accompagne ces images et les textes écrits par Christophe Bataille (déjà auteur de L’Image manquante), qui convoque René Char mais aussi Mao, Robespierre et d’autres théoriciens de la révolution. En effet, le film se veut aussi politique avec une réflexion plus générale sur le sens de la révolution, au regard des événements qui se sont produits au Cambodge dans les années 70 : « Quelle révolution voulons-nous ? Une révolution pour l’homme et avec lui ? Une révolution à hauteur d’hommes, dans le respect, la compréhension ? Ou la tentative de destruction dont la pureté fausse eut tant de disciples, en Asie et en Occident ? ». Le cinéaste livre un très bel hommage à tout un peuple et à une civilisation qu’il fait revivre le temps d’une œuvre magnifique et essentielle, grâce à des images d’archives en noir et blanc.

Xavier Affre


1h18 - Cambodge - Documentaire

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