Paterson
de Jim Jarmusch
Sélection officielle
En compétition








Le cercle des poètes disparus

Paterson (Adam Driver) vit à Paterson, dans le New Jersey, cette ville des poètes (de William Carlos Williams à Allan Ginsberg) aujourd’hui en décrépitude. Chauffeur de bus d’une trentaine d’années, il mène une vie réglée aux côtés de Laura (Golshifteh Farahani), qui multiplie projets et expériences avec enthousiasme, et de Marvin, bouledogue anglais. Chaque jour, Paterson écrit des poèmes sur un carnet secret qui ne le quitte pas… Le dernier film de Jim Jarmusch permet de retrouver la veine de ses débuts, quand le cinéaste renouvelait le cinéma indépendant avec Stranger than Paradise et Down by Law. Épuré et minimaliste, le récit propose une structure simple, sans véritable enjeu dramatique. On suit sept journées dans la vie de Paterson, entre son activité de chauffeur, ses balades dans la ville, ses moments avec sa compagne et sa fréquentation nocturne d’un pub nostalgique : le gérant aime à rappeler qu’y planent les ombres d’artistes dont l’acteur et humoriste Lou Costello (1906-1959), seule célébrité à avoir un square qui porte son nom. « Le film se veut un antidote à la noirceur et à la lourdeur des films dramatiques et du cinéma d’action. C’est un film que le spectateur devrait laisser flotter sous ses yeux, comme des images qu’on voit par la fenêtre d’un bus qui glisse, comme une gondole, à travers les rues d’une petite ville oubliée », a déclaré le cinéaste.

Et il est vrai qu’un charme fou irradie Paterson dont on savoure chaque séquence, composée d’une série de digressions dont le regroupement assure l’unité de l’œuvre. Ces passages permettent de croiser une faune pittoresque, d’un couple de Noirs s’aimant et se repoussant depuis l’enfance à une fillette poétesse en herbe, en passant par un touriste japonais curieux, interprété par Masatoshi Nagase, l’ex-jeune homme de Mystery Train. Si la poésie est le thème central du film, la musique n’en est pas moins omniprésente : le barman est fan de jazz et d’Iggy Pop, quand Laura apprend la guitare et souhaite devenir une vedette de country. Et Jarmusch n’a jamais été aussi meilleur que lorsqu’il manie l’humour (Paterson refusant d’avoir un téléphone mobile et devant ensuite gérer une panne de bus). Cette légèreté, alliée à la modestie du propos, renforce la force de séduction du film, très différent du prétentieux et ampoulé Only Lovers Left Alive. Quant aux deux interprètes principaux, ils s’intègrent à merveille à l’univers du cinéaste. Adam Driver, déjà remarqué dans Inside Llewyn Davis, offre une composition aux antipodes de son rôle de Kylo Ren dans Star Wars. Golshiftey Farahani, plus convaincante que dans Les Deux amis, ajoute une touche décalée en harmonie avec le film.

Gérard Crespo




1h53 - États-Unis - Scénario : Jim JARMUSCH - Interprétation : Adam DRIVER, Kara HAYWARD, Golshifteh FARAHANI, Masatoshi NAGASE, Luis DA SILVA Jr.

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