Another Day of Life
de Raúl de la Fuente, Damian Menow
Sélection officielle
Hors compétition
Séance spéciale







Angola, une histoire sanglante

Varsovie, 1975. Ryszard Kapuscinski (43 ans) est un brillant journaliste, chevronné et idéaliste. C’est un fervent défenseur des causes perdues et des révolutions. À l’agence de presse polonaise, il convainc ses supérieurs de l’envoyer en Angola. Le pays bascule dans une guerre civile sanglante à l’aube de son indépendance. Kapuscinski s’embarque alors dans un voyage suicidaire au cœur du conflit. Il assiste une fois de plus à la dure réalité de la guerre et se découvre un sentiment d’impuissance. L’Angola le changera à jamais : parti journaliste de Pologne, il en revient écrivain… Le film est tiré d’un roman de Ryszard Kapuscinski qui selon le romancier « n ’est pas un livre sur la guerre mais sur la perte, l’inconnu et l’incertitude du destin de chacun ». L’originalité (relative) du métrage réside dans sa forme, qui emprunte les codes du documentaire et du film d’animation, démarche initiée par Valse avec Bachir de Ari Folman et récemment reconduite dans Chris the Swiss de Anja Kofmel et Le Procès contre Mandela et les autres de Nicolas Champeaux et Gilles Porte. On dénotera la même touche émotionnelle incrustée dans une volonté d’analyse politique, le matériau d’animation permettant une distance que n’aurait pas permis l’approche par la fiction. Les deux réalisateurs affirment ainsi : « L’écriture de Kapuscinski demande des points de vue divers, des approches multidimensionnelles. Nous avons donc juxtaposé l’animation, des visions surréalistes, la fiction avec des faits réels, le style documentaire et les images d’archives, dans le but d’atteindre quelque chose proche de sa méthode d’écriture pour le moins composite ».

Le résultat impose le respect, d’autant plus que le sujet permet d’explorer une situation géopolitique encore trop peu connue et étudiée. C’est donc avec intérêt que le spectateur se trouvera immergé, comme le protagoniste, dans une guerre civile dont il ne perçoit ni les tenants ni les aboutissants, avant de réaliser qu’il est face à un conflit postcolonial, dans un contexte de lutte entre les deux opposants de la guerre froide. Mais c’est peut-être là que résident également les limites du métrage. En adoptant le point de vue de Kapuscinski qui voulait comprendre la guerre pour pouvoir la combattre, tout en étant fasciné par la teneur « romantique » du combat pour la liberté, les deux réalisateurs n’évitent pas une certaine ambiguïté quant à leur véritable point de vue sur la violence militaire et paramilitaire. Et peut-être auraient-ils pu développer certains aspects du scénario, notamment l’évidente attirance amoureuse de Kapuscinski pour Carlotta, une égérie des guérillas, sorte de Che Guevara au féminin. Ces réserves n’entachent pas le réel mérite d’une œuvre qui concilie avec intelligence réflexion politique et efficacité narrative.

Gérard Crespo



 

 


1h25 - Espagne, Allemagne, Belgique, Pologne - Documentaire - Film d'animation - Scénario : Raúl de la FUENTE, Amaia REMIREZ, David WEBER, Niall JOHNSON, d'après le roman de Ryszard Kapuscinski - Distributeur : GEBEKA FILMS.

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