My Name is Joe
de Ken Loach
avec Peter Mullan, Louise
Goodall, Gary Lewis, David
McKay ...
Sélection officielle
Prix d'interprétation masculine : Peter Mullan
Prix Education Nationale

 

Dans l'univers particulier de Ken Loach, Land and Freedom et Carla's Song s'apparentaient à des fresques historiques, de grandes foules et des sujets ambitieux mettant en valeur la dimension de grands groupes plongés dans les tumultes de l'histoire de l'humanité. Dans My name is Joe, le réalisateur recentre l'histoire non plus autour des hommes, mais d'un homme, abandonne la grande histoire pour se plonger dans l'univers quotidien, les tracas et petits boulots, l'alcool et l'amour... tout ce qui fait la vie d'aujourd'hui dans un morceau d'Ecosse d'une Grande-Bretagne qui émerge des années Thatcher avec une sacrée gueule de bois. Pas de nombrilisme chez Joe, mais bien au contraire la certitude d'une vraie vie, de ces joies et galères qui tissent une trame d'une infinie richesse où l'humour et l'espoir affrontent en permanence l'échec, la violence et la mort. Il faut voir Joe en entraîneur de foot, avec son équipe d'ex-drogués qui s'affublent des noms de la sélection allemande, ou l'explosion de violence incroyable qui s'empare de lui au moment d'affronter le caïd local de la drogue, sa timidité devant la femme qu'il aime, sa façon de parler de son passé d'alcoolique et de replonger dans la vodka, l'amour qu'il porte à tous ces jeunes qu'il tente de protéger des dangers d'un environnement où la drogue et la violence règnent en maître... Joe est un héros moderne aux antipodes du misérabilisme. Il est plein de vie et de passion. Ce film est bourré de vitamines tant il dégage une énergie brute. Il est comme un cri d'espoir dans l'horizon borné des laissés-pour-compte de la société anglaise. C'est filmé avec un souci perfectionniste de cadres bien fixes qui s'enchâssent grâce à un montage d'une extrême fluidité où chaque mouvement appelle lui-même une suite à l'histoire comme par nécessité, comme si la vie se déroulait sur l'écran de nos réalités. Peter Mullan est formidable d'aisance et de
naturel. Il a la révolte chevillée au corps et

le prix d'interprétation lui sied comme un kilt à un écossais. Sarah, l'assistante sociale dont Joe tombe amoureux est juste, ni trop belle, ni trop forte, mais elle est la conscience qui veille sur Joe. Elle va radicaliser la situation jusqu'au drame final, et dans un point d'interrogation de l'auteur, c'est au spectateur qu'il reviendra de décider si elle et Joe se retrouveront après la crise. Un vrai grand et beau film, à voir de toute urgence pour se souvenir que la vie est belle et qu'elle est aussi un film signé Ken Loach.

Jean-Paul Icardi


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