La Vie est belle
Life is Beautiful (La Vita è bella) - de Roberto Benigni
avec Roberto Benigni, Nicoletta
Braschi, Giorgia Cantarini...
Sélection officielle
Compétition
Grand Prix du Jury
 

" On peut faire rire sans blesser personne "
" Ce n'est pas moi qui suis allé chercher cette idée, c'est elle qui est venue me chercher. Un jour je l'ai trouvée sur moi et elle ne m'a plus quitté...". De cette idée inimaginable, totalement casse-gueule, Roberto Benigni a fait le film qui a bouleversé le Festival, mais surtout, sans aucun dérapage, la façon d'aborder le génocide juif perpétré par le nazisme. Le courage de Benigni s'allie au génie de sa réalisation et à ses fabuleux talents d'interprète pour livrer un chef-d'œuvre. 1938. Guido fait partie de ces gens habités par l'amour de la vie, candidats au bonheur : son optimisme naturel est un pied de nez permanent aux tracasseries de la vie et lui permet de faire de son existence un conte de fées. Pour conquérir le cœur de "sa princesse", Dora, il ne lésine pas sur les miracles ; il suffit de dire "Maria ! La clé !" ou "Maria ! Un chapeau sec !" et ça marche.
Lors des fiancailles de Dora, le Prince Charmant - mais surtout Hilarant - vient la tirer des griffes du conformisme et d'une vie sans attrait. Dora et Guido ont un fils, Giosuè, radicalement réfractaire aux douches. Le fascisme sévit, en Italie comme ailleurs, les juifs sont mis au banc de la société : aux questions que pose Giosuè, Guido imagine des réponses, plausibles pour un enfant ce cinq ans, un âge où on se rend compte de ce qui se passe mais où on croit encore aux contes. Guido ne comprend pas pourquoi, mais l'Histoire, et son histoire, basculent. C'est la déportation, le camp de concentration, que Guido, pour préserver son fils, installe dans un jeu, où lui et Giosué ont à tenir un rôle pour gagner. Guido, au plus profond de l'horreur, improvise... et Benigni n'épargne aucun tabou. Première partie comique, seconde tragique, qu'elles soient l'une ou l'autre il nous gratifie de one-man shows désopilants en inspecteur de classe ou en traducteur du règlement du camp.

Certains ont qualifié de maladresses ce qui relève du grand art de Benigni. Le réalisme ? " Comment montrer de façon réaliste ce que je n'ai même pas le courage de dire ? ". En toute humilité il cite Si c'est un homme de Primo Levi, qui, nu et immobile, lors de l'appel dans le camp, ne pouvait y croire : " Et si ce n'était qu'une blague, tout ça ne peut pas être vrai... ". L'Histoire est à ce point inconcevable qu'il est presque facile de faire croire que tout cela n'était qu'un jeu. " C'est juste un film " dit également Benigni. Celui-ci, où entre rires et pleurs il est bien difficile de maîtriser ses émotions, réconcilie définitivement le cinéma avec sa vocation première.

Marie-Jo Astic


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