Woody dans tous ses états

Les fans de Woody Allen seront comblés par ce documentaire au style certes télévisuel mais révélateur de la démarche et des évolutions du cinéaste. Depuis les premiers pas à Brooklyn jusqu'au triomphe international de Minuit à Paris, en passant par les sommets de Annie Hall et Manhattan, Robert B. Weide aborde l'œuvre d'un maître du 7e art ayant concilié divertissement brillant, vision d'auteur new-yorkais, cinéphilie en référence Bergman et Fellini et archétype d'un personnage comique unique dans l'histoire du cinéma. Le ton pourra sembler verser dans l'hagiographie, mais pourquoi ce que l'on admettait de Truffaut envers Hitchcock ne pourrait pas s'appliquer à Weide pour Allen ? L'auteur montre d'ailleurs très bien qu'une certaine tendance de la critique (française en l'occurence), après l'avoir porté aux nues, a décidé de se tourner vers d'autres modes et de le faire passer pour un has been après le semi-échec de Harry dans tous ses états.

Mais de même que Truffaut admettait des failles dans la filmographie de Hitchcock (La loi de silence, Topaz), Weide est le premier à reconnaître que l'auteur de La rose pourpre du Caire a été forcément inégal compte tenu de son abondante filmographie et d'une période de passage à vide qui va globalement de Celebrity à Melinda et Melinda, avant que les succès critiques de Match Point ou Vicky Cristina Barcelona ne le remettent au premier rang des projecteurs. Et il est savoureux d'entendre de la bouche de Woody Allen des propos dubitatifs face aux délires flatteurs qu'occasionne chacune de ses apparitions dans des festivals internationaux. On regrettera une linéarité parfois poussive mais les témoignages de Diane Keaton, Dianne Wiest (Coups de feu sur Broadway), Mira Sorvino (Maudite Aphrodite), Sean Penn (Accords et désaccords) ou Josh Brolin (Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu), mêlés d'extraits significatifs, constituent une bonne introduction à l'exploration de l'univers d'un cinéaste culte.

Gérard Crespo