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Louder than the Bombs
de Joachim Trier
Sélection officielle
En Compétition



Sortie en salle : 9 décembre 2015


Autour d'une dispartion

Après Oslo 31 août, remake du Feu Follet de Louis Malle et seconde adaptation réussie du roman de Drieu la Rochelle, on attendait avec intérêt le troisième long métrage du cinéaste norvégien Joachim Trier. Ce dernier a obtenu le confort financier d'une coproduction internationale américaine, française, allemande, danoise et norvégienne, tournée en langue anglaise, mais avec l'écrin du cinéma indépendant. Cela semble désormais une voie privilégiée par de nombreux réalisateurs européens ou sud-américains, si l'on en juge par la présentation à Cannes de Chronic, The Lobster, Youth ou Tale of Tales. Plus fort que les bombes se présente comme un drame familial autour du deuil et des difficultés de communication, un thème récurrent de la compétition officielle. Une exposition est préparée pour rendre hommage à la photographe Isabelle Reed (Isabelle Huppert), trois ans après sa mort soudaine dans un accident de voiture. Un article qui doit être publié dans la presse locale suscite l'inquiétude de Gene, son mari (Gabriel Byrne), qui hésite à en parler à ses deux fils. L'aîné, Jonah (Jesse Eisenberg), était étudiant au moment des faits, et exerce désormais la fonction de jeune professeur d'université, tout en s'apprêtant à devenir père. Son jeune frère Conrad est un ado taciturne et bougon, obnubilé par ses jeux vidéo, et surveillé dans ses déplacements par son père, qui tente de renouer de véritables liens avec lui. La qualité de Plus fort que les bombes est d'adopter la forme d'un puzzle narratif, dévoilant ses enjeux progressivement, le mystère des personnages et des situations se dissipant au gré des révélations du scénario.

La multiplicité des points de vue, introduite par Kurosawa dans Rashomon, est désormais courante, de même que ce procédé consistant à filmer les mêmes faits sous différents angles, les auteurs contemporains étant manifestement influencés par Pulp Fiction et la trilogie de Belvaux. Joachim Trier emprunte cette voie pour un résultat révélant une maîtrise du montage, comme l'atteste la séquence où Conrad feint de se recueillir sur une tombe, et se doutant qu'il est l'objet d'une filature. Le film est également subtil par ses allusions psychanalytiques, des retrouvailles entre Jonah et son ex-petite amie qui lui rappelle sa mère, à la haine qu'éprouve Conrad envers Hannah (Amy Ryan), la professeure qui entretient une relation de couple avec son père. Le jeune Devin Druid est d'ailleurs une révélation, avec ce mélange de fragilité et d'impulsion qui caractérisaient River Phoenix, Edward Furlong ou Ezra Miller. Espérons qu'il ne soit pas, à l'instar de ces modèles, une étoile filante de plus. Plus fort que les bombes vaut donc par ses qualités d'écriture aussi bien que par son élégance de style et la direction de ses interprètes. « Notre film est, au final, optimiste. Il interroge la façon dont nous devons réévaluer notre enfance, nos souvenirs et notre perception de chacun, et montre à quel point c'est difficile », a déclaré le réalisateur. Pourtant, un je-ne-sais-quoi de glacé et distant empêche une adhésion totale. Et le film se perd peu à peu dans une réflexion confuse sur l'imaginaire et le virtuel, reprenant sans conviction la trame d'Adoration d'Atom Egoyan. Ces défauts sont particulièrement flagrants dans la seconde partie. Si Joachim Trier est indiscutablement un auteur talentueux, il ne retrouve donc pas complètement la grâce qui imprégnait son précédent film.

Gérard Crespo

 



 

 


1h45 - Allemagne, France, États-Unis - Scénario : Joachim TRIER, Eskil VOGT - Interprétation : Gabriel BYRNE, Isabelle HUPPERT, Jesse EISENBERG, Amy RYAN, David STRATHAIM, Devid DRUID, Rachel BROSNAHAN.

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